Que fait le CANAFE ?

Par Denis Méthot | 18 septembre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Éric René, directeur des services d’enquête à l’AMF et Luc Beaudry, analyste au CANAFE. Les deux organisations collaborent sur certains dossiers.

Le Centre d’analyse des opérations et des déclarations financières du Canada est encore largement méconnu. Tour d’horizon.

En 2013, le CANAFE, le Centre d’analyse des opérations et des déclarations financières du Canada, a surveillé deux millions de transactions par mois. Ce chiffre a fait sursauter des participants à l’université d’été sur la criminalité économique qui s’est tenue à Québec en mai dernier. Peu soupçonnaient l’ampleur et la portée de cette grande toile invisible qui a un rôle important à jouer dans les crimes à caractère financier.

«Deux millions de transactions par mois, ce n’est pas beaucoup», juge néanmoins l’un de ses gestionnaires de l’analyse du renseignement financier, Luc Beaudry. «L’Association canadienne des paiements traite au-delà de deux milliards de transactions par mois. Le CANAFE ne reçoit qu’une infime partie».

Le CANAFE a été créé en 2000. Si le Centre est peu connu par rapport à l’AMF, ses activités le sont encore moins. M. Beaudry est venu lever le voile sur ses opérations et démystifier certaines de ses activités lors du colloque consacré à la criminalité économique.

Conformité et renseignements financiers

Les missions du CANAFE se déploient en deux grands axes : un programme de conformité et un programme de renseignements financiers, dont le rôle est d’analyser et de communiquer sur demande les renseignements qu’il reçoit des entités déclarantes aux autorités policières et judiciaires. Le Centre dispose de deux unités d’analyse de blanchiment d’argent, une unité d’analyse du financement du terrorisme et une unité d’analyse stratégique.

Un grand nombre de crimes peuvent passer sous le radar du CANAFE : corruption, fraudes de Ponzi, fraudes 4-1-9, fraudes et évasion fiscales, valeurs mobilières, groupes criminels organisés, production et trafic de drogue, meurtre, kidnapping, contrebande, terrorisme, espionnage.

« Au Québec, dit M. Beaulieu, le Centre collabore de près avec l’AMF, la Sûreté du Québec, la police de Montréal et des procureurs de la Couronne. »

80 000 déclarations par an

Les entités qui sont assujetties au CANAFE sont tous les intermédiaires financiers qui exercent au Canada, banques, caisses populaires, courtiers, casinos, etc.

Le CANAFE analyse les déclarations d’opérations douteuses. Il en reçoit environ 80 000 par année, soit de 300 à 400 par jour. Elles sont toutes lues par les équipes d’analyses et par les systèmes informatiques.

Toutes les déclarations d’espèces de plus de 10 000 $, même si elles ne sont pas douteuses, doivent être signalées par voie électronique au CANAFE. Même chose pour les télévirements internationaux de plus de 10 000 $.

S’ajoutent les déboursés au casino de plus de 10 000 $, les déclarations à la frontière au service des douanes si vous apportez plus de 10 000 $, et les biens appartenant à un groupe terroriste.

Des amendements à la loi feront en sorte que dans le futur, le CANAFE couvrira le secteur des casinos virtuels et examinera toutes les questions relatives aux monnaies virtuelles, telles que le bitcoin.

Un cas d’enquête

En mars 2013, le CANAFE a participé, en partenariat avec la SQ, l’AMF et Revenu Québec, à une enquête portant sur une fraude liée à la dilapidation de fonds de pension d’une valeur de 14,5 millions de dollars.

Ce type de fraude consiste à retirer illégalement des fonds de retraite immobilisés, privant ainsi le gouvernement de recettes fiscales. Plus de 300 épargnants avaient profité du stratagème de l’organisation criminelle, qui avait des ramifications sur quatre continents.

Trois mythes à déboulonner

Le CANAFE est une agence d’analyse, pas une agence d’espionnage, et n’a pas accès aux comptes bancaires (il faut une autorisation judiciaire pour y accéder). Il n’a pas de pouvoir intrusif dans les affaires financières des Canadiens, ni accès à toutes les transactions financières d’un compte bancaire.

Le CANAFE ne mène pas d’enquêtes. « On ne gèle pas de comptes et on ne peut rien exiger des entités déclarantes, précise M. Beaudry. Si je reçois une déclaration d’opérations douteuses qui est incomplète ou insatisfaisante, je n’ai pas le pouvoir de la retourner pour demander de bien la compléter. C’est un geste d’enquête et le CANAFE n’a pas ce pouvoir, même s’il peut être sollicité pour participer à des enquêtes en collaboration avec d’autres organismes. »

Le CANAFE n’a pas accès non plus aux télévirements, comme les paiements par voie électronique. Personne n’a accès aux banques de données du CANAFE, même pas la GRC et le Service canadien du renseignement de sécurité. «On va même plus loin. Nos locaux sont inviolables, précise M. Beaudry. Un mandat de perquisition au CANAFE est expressément interdit dans la loi. Une ordonnance de production est possible simplement avec la permission expresse du Procureur général du Canada».

La criminalité économique en 5 questions :

Des conséquences quantifiables ? Quels outils de lutte ? Quel est le profil type du fraudeur économique ? L’investissement socialement responsable peut-il réduire la criminalité économique? Que fait le CANAFE ?

Denis Méthot