Quel bilan pour Monique F. Leroux?

Par La rédaction | 17 mars 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture

Alors que la présidence de Monique F. Leroux s’achève, Radio-Canada a dressé hier le bilan de son règne de huit ans à la tête de Desjardins.

Arrivée en 2008 en pleine tempête financière, « elle a su redresser son entreprise et la propulser au XXIe siècle », note la chaîne d’information publique.

Pour renforcer le Mouvement ébranlé par la crise, elle a par exemple commencé par éliminer quelque 900 postes et réduit de moitié les ristournes versées aux membres. « Un traitement douloureux, mais qui a fini par porter ses fruits », puisque dès 2009 les excédents ont bondi à 1,91 G$.

BILAN FINANCIER SOLIDE

La première femme à accéder à la présidence n’en est pas restée là, poursuit Radio-Canada. En effet, « grâce à l’acquisition de Western Capital et de la branche canadienne de l’American State Farm, Desjardins est devenu le deuxième plus grand assureur de dommages au Canada ».

Au même moment, Monique F. Leroux a « aidé le Mouvement à s’ouvrir au monde en instaurant le premier Sommet international de la coopération » et « accéléré le virage numérique de l’institution en déployant Desjardins sur toutes les plateformes ».

« Une chose est sûre : son bilan financier est solide, explique Radio-Canada. Les coffres de Desjardins sont pleins et les profits ont presque doublé en huit ans. Ils frôlent aujourd’hui deux milliards de dollars par année. »

NOMBREUX POINTS DE VENTE FERMÉS

Toutefois, ce succès a eu un prix et plusieurs membres de la coopérative et gestionnaires « se sentent trahis ». L’image de Monique F. Leroux est parfois « celle d’une présidente insensible, avec un salaire annuel de plus de trois millions de dollars ».

Martin Malo, de l’Action coalition pour notre caisse Desjardins, qui milite contre la fermeture de certains centres régionaux, estime ainsi que son règne « aura servi à gonfler les coffres de l’entreprise. Ça aura servi une poignée de personnes, surtout les dirigeants. Nous les membres, ça ne nous servira à rien ».

Pendant son mandat, Desjardins a également procédé à la fermeture de centaines de points de services et de plus de 600 guichets automatiques, rappelle Radio-Canada. Pour justifier ces mesures, la caisse soutient que les habitudes de ses clients ont changé et que le nombre de transactions dans ces points de services n’a cessé de diminuer, alors qu’il a plus que doublé en ligne.

GESTION « TROP CENTRALISÉE »

D’autres reprochent à Monique Leroux « d’avoir privilégié des rénovations coûteuses pour le Complexe Desjardins de Montréal et le siège social de Lévis, au détriment des petites caisses régionales », rapporte par ailleurs la chaîne d’information.

« Pourquoi avoir fermé de toutes petites caisses qui ne coûtaient pas si cher que ça? Je pense qu’il y a encore une structure bureaucrate qui n’est pas toujours sensible à ces questions politiques », déplore notamment le directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, Michel Nadeau.

Enfin, ajoute Radio-Canada, certains jugent que le style de gestion de la PDG était « trop centralisé » et « trop direct ». « Desjardins, au Québec, ce n’est pas la Banque Royale [l’ancien employeur de Mme Leroux]. Dans les banques, ces problèmes ne se posent pas. Mais dans une structure démocratique, il faut que tu laisses les gens s’exprimer, y compris les salariés. Or cet espace est mis à mal », estime Gérald Larose, qui préside la Caisse d’économie solidaire Desjardins.

DEUX VISIONS OPPOSÉES

Autant de critiques que balaie du revers de la main le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc : « Si des gens ont trouvé que c’était peut-être trop autoritaire ou direct, moi je pense que c’est une bonne qualité pour un dirigeant d’entreprise. La restructuration de Desjardins en un mouvement coopératif moderne exigeait certaines décisions difficiles. »

Au cours des derniers mois, une vive polémique a d’ailleurs opposé partisans et adversaires de la politique menée depuis 2008 par Monique F. Leroux au nom du « réalisme économique » et de la « compétition » entre les différentes institutions financières au pays. « L’âme de Desjardins est désormais celle d’une banque », dénonçait par exemple récemment un représentant des membres de la caisse de Saint-Ambroise-de-Kildare, dans une tribune publiée par Le Devoir.

Au printemps 2015, l’ex-PDG du Mouvement Claude Béland avait sévèrement jugé plusieurs des décisions prises par l’actuelle direction. Puis, il y a quelques semaines, un autre ancien patron de Desjardins, Alban D’Amours, lui a vertement répondu en prenant le contre-pied de ses affirmations.

« Les caisses d’aujourd’hui sont faites pour les riches », selon Claude Béland

Desjardins adhère à un modèle économique qui, aujourd’hui, favorise les inégalités, dénonce Claude Béland dans une entrevue publiée hier par RDI économie.

« Depuis les années 1900, M. Desjardins et sa suite avaient réussi à rester à contre-courant et à progresser. Mais depuis une quinzaine d’années, des choix ont été faits par ceux qui dirigent Desjardins » et ces choix sont ceux d’inscrire le Mouvement dans la « pensée unique », soutient l’ex-PDG du Mouvement.

UNE CULTURE BANCAIRE

Selon lui, c’est l’ensemble du conseil d’administration qui a effectué ce virage, qui s’est amplifié sous la direction de Monique F. Leroux, autrefois cadre à la RBC avant de rejoindre Desjardins.

« Au cours des dernières années, on a vraiment [installé] la culture bancaire. Vous savez, les banques, c’est fait pour les riches. Si vous avez un million de dollars, vous le déposez, on ne vous demandera rien dans votre compte d’épargne. Mais si vous avez peu de sous, on va vous charger 6,95 $. […] Les caisses d’aujourd’hui sont faites pour les riches », conclut Claude Béland.

La rédaction