Wells Fargo dans l’eau chaude

Par La rédaction | 20 septembre 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La banque Wells Fargo est sur la sellette aux États-Unis après la découverte que plusieurs milliers de ses employés ont créé des millions de faux comptes au nom de clients, rapporte Le Devoir.

L’établissement, qui dessert un ménage américain sur trois, compte 268 000 employés et pèse quelque 221 milliards de dollars à la Bourse de New York, ce qui en fait l’un des trois principaux joueurs du secteur bancaire mondial, aux côtés de la Banque industrielle et commerciale de Chine et de JP Morgan Chase, rappelle le quotidien.

Jusque-là relativement épargnée par les scandales financiers, la vénérable institution est cependant aujourd’hui dans le collimateur des consommateurs américains et des autorités fédérales, notamment le FBI.

OBJECTIF : GAGNER DES PRIMES

Quelque 5 300 de ses employés, renvoyés depuis, ont été impliqués dans l’ouverture de deux millions de comptes bidon entre 2011 et 2014, peut-être à l’insu de leurs clients, afin d’atteindre des objectifs commerciaux et de gagner des primes de rendement et des bonis.

Cerise sur le gâteau, Carrie Toldstedt, qui dirigeait les services bancaires aux communautés, la division au cœur de cette affaire de fraude à grande échelle, vient de prendre sa retraite en empochant la coquette somme de 125 M$ grâce à un mélange d’actions, d’options et de titres qui lui ont été octroyés par la banque, ajoute Le Devoir.

Ulcérés, cinq sénateurs, dont Elizabeth Warren, ancienne spécialiste en droit commercial à Harvard, ont écrit la semaine dernière au chef de la direction de Wells Fargo, John Stumpf, une lettre dans laquelle ils ne mâchent pas leurs mots. « Ce n’était pas l’œuvre de quelques pommes pourries durant quelques semaines. Wells Fargo avait un problème systémique, de longue date, créé par des objectifs de vente et des incitatifs imposés par la haute direction », dénoncent-ils notamment.

« UN COMPORTEMENT INACCEPTABLE »

Les élus réagissaient ainsi à l’élément déclencheur du scandale, c’est-à-dire la révélation, il y a deux semaines, d’une entente hors cour passée entre la banque et le Bureau américain de protection des consommateurs (Consumer Financial Protection Bureau, ou CFPB). Soucieuse que l’histoire en reste là, celle-ci a accepté de payer une amende de 185 millions de dollars pour l’ensemble des malversations commises par ses conseillers en clientèle de 2011 à 2014.

Plus précisément, elle a versé 100 M$ au CFPB, en plus de remettre 50 M$ à la Ville de Los Angeles et 35 M$ à l’Office of the Comptroller of the Currency, qui relève du département fédéral du Trésor.

« Je ne veux pas commenter un cas particulier, mais d’après ce que j’ai vu, ils ont mal agi. C’est un comportement inacceptable », déclare de son côté le secrétaire américain au Trésor Jack Lew. Le Sénat, via sa commission bancaire, a annoncé vouloir entendre John Stumpf aujourd’hui, le 20 septembre. Trois sénateurs ont également réclamé la tenue d’une enquête.

PROFITS PRÉSERVÉS, MAIS RÉPUTATION TERNIE

Pour tenter d’enrayer la colère des consommateurs et échapper à d’éventuelles poursuites, l’établissement bancaire, qui est basé à San Francisco et a notamment comme actionnaire le milliardaire Warren Buffett, a annoncé la suppression des incitatifs et objectifs commerciaux fixés aux conseillers en clientèle à partir du 1er janvier prochain.

« Nous supprimons les objectifs liés à la vente de produits commerciaux parce que nous voulons être sûrs que nos clients ont entière confiance dans le fait que nos conseillers se soucient principalement de leur intérêt », indique John Stumpf.

Si l’affaire n’aura pas un impact matériel sur les profits, elle vient cependant ternir la réputation de Wells Fargo, seule grande institution financière chez nos voisins du Sud à avoir été épargnée par la crise des crédits immobiliers toxiques subprime, car elle est peu présente dans les activités spéculatives, souligne l’Agence France-Presse.

« PRATIQUES INAPPROPRIÉES ET CHOQUANTES »

Évoquant un « épisode embarrassant », Moody’s qualifie ces révélations de « choquantes », estimant qu’elles pourraient entraîner un abaissement de la note de Wells Fargo.

« Elles mettent en lumière le fait que ses capacités à vendre différents produits financiers ont été surévaluées. Sa politique de primes a conduit à des pratiques inappropriées et répandues », précise l’agence de notation.

« Le secteur des services financiers a connu des exemples similaires de programmes de bonis mal conçus dont un éventail large a conduit à la crise des subprimes », indique pour sa part Jim Sinegal, analyste pour Morningstar.

En fin de compte, cette affaire « vient renforcer le camp des partisans d’un durcissement de la réglementation contre Wall Street, dont la cupidité est l’un des thèmes de la campagne en cours pour la Maison-Blanche », conclut l’AFP.

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