Vente des actifs canadiens de Standard Life : l’inquiétude règne

Par Yves Rivard | 5 septembre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Au lendemain de l’annonce de l’acquisition des actifs canadiens de Standard Life par Manuvie, les réactions n’ont pas tardé à fuser. Plusieurs joueurs du milieu s’inquiètent de ce changement de garde.

« C’est un joueur de moins dans le secteur collectif. Les décisions se prendront à Toronto… On verra bien ce que ça va donner », soupire Daniel Bissonnette, chef de la conformité chez Planifax.

« L’inquiétude liée à cette transaction vient du fait que la compétitivité diminue et de la concentration. En 15 ou 20 ans, le nombre d’assureurs capables d’exercer à l’échelle pancanadienne est passé d’environ 30 à 6 ou 7 », ajoute Charles-Antoine Villeneuve, vice-président principal et directeur de la pratique locale pour Aon Hewitt.

Rappelons que la Financière Manuvie a annoncé mercredi son intention de racheter les actifs canadiens de la société écossaise Standard Life pour un total de 4 G$ en espèces. L’acquisition devrait être conclue au premier trimestre de l’an prochain.

En excluant les coûts de transition et d’intégration, l’entente devrait, au bout d’un an, accroître le bénéfice par action de 3 cents au cours des trois années suivantes.

L’acquisition des activités de Standard Life est la seconde en importance pour Manuvie, après celle de 10,9 G$US visant l’assureur-vie américain John Hancock en 2004.

Les plus récentes données révèlent un actif géré de 52 G$ pour Standard Life et de 536 G$ pour Manuvie, un chiffre appelé à être revu au cours des prochains trimestres.

Des pertes d’emplois?

La transaction hausse de manière importante la capacité de Manuvie à rejoindre et servir des clients à l’échelle canadienne et internationale depuis le Québec, notamment en matière d’assurance collective, de régimes de retraite, d’activités de gestion d’actifs, de surveillance des risques de placements et de placements axés sur le passif, un secteur jugé en croissance.

« L’inquiétude se situe à savoir si les emplois intéressants seront maintenus à Montréal. Dans le cadre de fusion, il faut toujours déterminer qui fera quoi. Et comme il n’y aura pas de place pour deux chefs de produits ou deux chefs de marketing, des changements sont à prévoir », indique Claude Leblanc, ex-premier vice-président, régimes d’épargne et de retraite collectifs à la Standard Life, aujourd’hui retraité.

Donald A. Guloien, président et chef de la direction de Manuvie, se fait toutefois rassurant.

« Le personnel est l’une des principales raisons pour lesquelles cette société nous intéressait », mentionne-t-il.

Il soutient que l’entreprise désire « utiliser ses talentueux employés pour faire croître et étendre [ses] activités au Québec, au Canada et dans le monde entier ».

Selon les informations fournies par Manuvie, les pertes d’emploi « seront limitées à court terme puisque l’intégration prendra de 18 à 24 mois ».

« Il s’agit d’une excellente transaction pour Manuvie, principalement en regard de l’importance que Standard Life a eu et a au Québec. La transaction complète bien leur mosaïque d’affaires canadienne », croit toutefois M. Leblanc.

« L’intégration de ces blocs d’affaires devrait permettre à Manuvie de concurrencer davantage Sun Life dans le marché spécifique de la retraite collective. […] Standard Life était la dernière filiale étrangère qui faisait affaire au Canada. Le marché des services financiers canadien devient de plus en plus canadien. C’est intéressant à ce niveau », ajoute-t-il.

Crainte pour les clients

« Je fais affaire avec les deux entités et j’espère voir Manuvie apprendre de Standard Life pour régler ses problèmes de service », souhaite Daniel Bissonnette.

« Comment la belle approche qu’avait Standard Life pour le marché de la PME, avec ses produits très compétitifs, sera-t-elle intégrée chez Manuvie? Comment les clients, qui n’ont pas choisi Manuvie, réagiront-ils? L’intégration se déroulera-t-elle de manière plus harmonieuse que lors de l’acquisition de La Maritime et de l’Aetna? », se demande de son côté Charles-Antoine Villeneuve.

Il soutient que les clients apprécieront cependant les méthodes et pratiques plus modernes de Manuvie, car il estime que Standard Life accusait un certain retard, notamment au chapitre de l’intégration technologique.

Rentabilité recherchée

« Manuvie entend-elle rentabiliser cette acquisition en haussant les coûts des produits? Peu importe les moyens, cela ne doit pas se faire au détriment de nos clients », souhaite M. Villeneuve.

La Financière a dit prévoir financer une partie du coût d’acquisition au moyen du produit net découlant de l’émission d’environ 2,1 G$ en actions ordinaires (convention de prise ferme de 1,6 G$) et d’un placement privé de la Caisse de dépôt et placement du Québec de 500 M$. Le reste proviendra de sources internes et d’émissions éventuelles de titres de créance ou d’actions privilégiées.

La Caisse de dépôt commente

« La transaction aurait eu lieu sans la participation de la Caisse, explique Maxime Chagnon, directeur principal, communications avec les médias et relations publiques pour la CDPQ. Les raisons ayant motivé la participation de la Caisse de dépôt à contribuer 500 M$ en capital-actions dans cette opération repose sur plusieurs facteurs : la volonté de Standard Life de se retirer du marché canadien et de vendre ses activités, l’excellent dialogue établi depuis plusieurs années avec Manuvie et la perspective de voir celle-ci s’appuyer sur le savoir-faire de la Standard Life à Montréal pour accélérer sa croissance. »

Michael Sabia, président et chef de la direction de la Caisse, a précisé que Manuvie s’était engagée à renforcer Montréal comme centre financier.

« Cette promesse, combinée à la perspective d’un rendement avantageux pour nos déposants, explique pourquoi nous avons décidé d’investir dans cette transaction », ajoute-t-il.

L’investissement porte à plus de 1 G$ la participation de la Caisse dans Manuvie, ce qui en fait l’un des actionnaires les plus importants.

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Yves Rivard