Gabriel Beauséjour et Tristan Houle – Une affaire de glisse

Par Bruno Geoffroy | 20 novembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Gabriel Beauséjour et Tristan Houle

De la neige folle coule dans les veines de Gabriel Beauséjour et Tristan Houle. Vingt-cinq ans au compteur, dont 23 passés à caresser la blanche de leurs spatules, ça laisse des traces. Suffisamment pour s’élancer dans une descente vertigineuse et pleine de promesses : développer au Québec leur propre marque de skis, Tantal.

Dans ce café du centre-ville de Montréal, impossible de manquer le duo d’entrepreneurs. Deux paires de skis les accompagnent, accessoires improbables qui ont tôt fait d’attirer le regard embrumé de certains clients. Le design est soigné. Le logo Tantal imprime la rétine de sa simplicité.

Tantal, c’est avant tout l’aventure de deux mordus de ski. Deux complices qui ont toujours deux ou trois paires de skis dans l’auto, histoire de s’ajuster aux conditions de neige pendant la saison. « À la fin de nos journées de ski, on veut être fatigués. On pousse donc au maximum notre équipement. Avant, on avait toujours quelque chose à redire. Une petite affaire qui manque par-ci, par-là. Alors, on s’est dit : pourquoi ne pas concevoir nos propres skis? », explique Gabriel Beauséjour. Tantal est né de cette exigence en septembre 2011.

L’objectif? Concevoir un ski haut de gamme capable de s’exprimer pleinement dans les conditions de neige québécoise. Et, pour aller chercher cette performance, Tristan Houle et Gabriel Beauséjour ont misé… sur eux. En grande partie. Sur leurs compétences techniques, leurs connaissances du marché et leurs capacités à attirer du financement pour concrétiser leurs ambitions.

L’effet boule de neige

Lors du concours Entrepreneurship HEC-Poly-UdeM 2011, ils décrochent une bourse de 4000 $ grâce à la qualité de leur plan d’affaires. Le projet est lancé, la première paire de skis financée. Un marché de créneau s’ouvre à eux.

Confiants, les deux cofondateurs ne s’arrêtent pas sur le bord de la piste. Ils peaufinent leur plan d’affaires et vont chercher près de 30 000 $ au total en subventions et en bourses. Par l’entremise du Service d’aide aux jeunes entreprises (20 000 $) ou du programme Créavenir de la caisse Desjardins (5000 $), entre autres.

Financement en poche, Tristan Houle mène la cadence à l’ingénierie. Diplômé de Polytechnique en génie mécanique, option matériaux composites, il opte pour des skis combinant un noyau en érable québécois haute densité et des fibres de carbone. De quoi assurer puissance, rigidité et légèreté (700 g contre 1000 g en moyenne pour un ski haut de gamme).

Si les prototypes prennent vie dans le garage familial, la première série Zenith, tirée à 40 exemplaires (paires), sera produite en décembre 2012 du côté de Rimouski chez un fabricant recommandé par le planchiste canadien Jasey Jay Anderson. La qualité de production est au rendez-vous. Reste à tester le produit et à le promouvoir.

Avec son baccalauréat en sciences économiques, option comportements stratégiques de l’Université de Montréal, Gabriel Beauséjour y veille. La saison passée, il n’a pas ménagé ses efforts pour développer la marque et les ventes. Son compère non plus.

Tantal en bref

  • Mantra (supposé) de l’équipe
    Mange, dort, skie Tantal.
  • Le cœur au Québec
    « C’est très important pour nous de rester au Québec. Conçus et fabriqués ici, nos skis haute performance sont particulièrement adaptés à nos conditions de neige » — Tristan Houle.
  • Une aventure à 3
    Depuis quelques mois, un nouveau partenaire, Équation humaine, apporte son expertise en marketing numérique.
  • Mémoires de ski
    « Un passage millimétré entre deux arbres, un virage proche de la perfection : c’est cette sensation de moment parfait que l’on vise avec Tantal, cette envie de faciliter les souvenirs de ski » — Tristan Houle.

Une tournée de sept montagnes québécoises et 300 essais-démonstrations leur permettent de prendre le pouls des « mangeurs de neige », de recueillir les commentaires des accros de la poudre sur leurs premiers skis. « Bien qu’éprouvante physiquement, cette expérience a été très bénéfique. Cela nous a permis de dessiner notre seconde série, la Wolfpack, en tenant compte des retours et des exigences de nos clients », dit Tristan Houle.

Un conseiller skieur?

« Aujourd’hui, Tantal est autosuffisant. Nous n’avons pas de dettes, mais nous ne nous versons pas de salaires non plus. D’ailleurs, nous travaillons tous les deux à temps plein en plus d’assumer la marque. Sans passion, c’est sûr que l’on ne le ferait pas », indique Gabriel Beauséjour.

Et, si les deux cofondateurs ne font pas appel au service d’un conseiller, c’est en partie parce qu’ils n’ont pas besoin de prêt pour le moment. « D’ailleurs, il serait difficile pour un conseiller de mesurer son retour sur investissement et pour nous, de lui dire combien de temps cela va prendre avant que notre entreprise décolle, précise Tristan Houle. On veut d’abord s’établir, se faire connaître avant de se lancer à 100 % et s’engager sur des prêts d’entreprise ». Les pieds sur les skis, la tête sur les épaules.

« Quitte à dresser un portrait de notre futur conseiller, autant qu’il soit skieur », dit à la blague Gabriel Beauséjour. Selon lui, cela prend quelqu’un qui comprend leur entreprise, leur secteur d’activité et le fait que les marchés soient saisonniers. Une personne prête à s’engager sur le long terme pour les accompagner dans leur démarrage d’entreprise, dans les bons coups comme les mauvais. Et, pourquoi pas, capable de les tenir au courant des subventions et des bourses disponibles pour de jeunes entrepreneurs.

Les skis de la série Wolfpack

L’avenir dans le virage

De leur première série, ils ont écoulé une quinzaine de paires, principalement par bouche-à-oreille. Pour cette année, ils visent beaucoup plus haut : 100 paires de leur série Wolfpack.

Et, s’ils continuent de faire la promotion de leurs skis en station, ils comptent aussi s’appuyer sur un réseau de 300 à 400 personnes résonnant à l’unisson des médias sociaux. Quant aux magasins, ils ne sont pas en reste : Ski Town à Brossard leur a fait confiance dès le début en 2012 et des pourparlers sont en cours avec d’autres enseignes.

« À long terme, d’ici 5 à 10 ans, on rêve de devenir une référence en ski alpin haute performance au Québec et dans le nord-est des États-Unis (NDLR : où les conditions de glisse sont les mêmes qu’ici). Et, pourquoi pas, décliner notre marque sous forme de bâtons, de bottes, de manteaux ou de lunettes. En gardant cet esprit perfectionniste qui nous anime, nous distingue », dit Gabriel Beauséjour.

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