Fiscalité : un juriste, svp!

Par Dominique Lamy | 26 février 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La saga « Éric et Lola » s’est finalement conclue sans bouleverser le droit familial au Québec. Le statu quo a été imposé le 25 janvier dernier par la Cour suprême du Canada. Malgré tout, plusieurs éléments de la loi actuelle de l’impôt ont une incidence importante sur la fiscalité des contribuables considérés comme « célibataire » ou « conjoint de fait ».

ConseillerPME.ca vous présente un condensé de la conférence « Incidences de Lola sur la fiscalité des entrepreneurs », organisée par l’Association de planification fiscale et financière (APFF) et animée par Luc Lacombe, FCA, M. Fisc., associé au sein du service de fiscalité de Raymond Chabot Grant Thornton.

Entre statu quo et contrat de vie commune

Rien ne change, donc, pour les conjoints de fait. Ils n’ont toujours pas le droit de réclamer une pension alimentaire pour eux-mêmes en cas de séparation, ni de demander le partage du patrimoine familial.

Par contre, la possibilité pour les conjoints de fait de rédiger un contrat de vie commune (« contrat de cohabitation ») est soulevée à quelques reprises dans la décision de la Cour suprême. Le juge Lebel, notamment, soulignait dans cette décision que « la conclusion de contrats de vie commune permet aux conjoints de fait de créer entre eux les rapports juridiques qu’ils estiment nécessaires sans devoir modifier la forme de conjugalité dans laquelle ils ont situé leur vie commune ».

Les conjoints de fait peuvent donc prévoir toute mesure pour encadrer leur relation respective, pourvu qu’elle respecte l’ordre public. « Le contrat de vie commune traite habituellement les conséquences de la rupture de l’union de vie et peut prévoir l’application du patrimoine familial, l’obligation alimentaire, un droit d’usage du domicile commun ou encore même une prestation compensatoire », soulève le cabinet Alepin Gauthier Avocats inc. dans le document consacré à cette cause judiciaire.

À moins d’avoir rédigé un contrat de vie commune, c’est donc le droit commun qui s’applique aux conjoints de fait au moment de la rupture de l’union. Luc Lacombe, concluant son exposé, confirme d’ailleurs le point de vue de plusieurs professionnels de l’industrie concernant les avantages et désavantages d’un changement de statut matrimonial: « Votre intimité sans fiscaliste et sans juriste est comme un compte de banque sans un sou. Soyez donc prudent et vigilant dans vos relations », dit-il.

Exemples d’incidences fiscales de vivre seul ou en couple

L’amour aurait donc un coût financier pour votre client! La nouvelle dulcinée de ce dernier pourrait effectivement lui faire perdre quelques milliers de dollars par année. M. Lacombe souligne d’ailleurs d’entrée de jeu la multitude de déductions, de prestations et de crédits qui varient en fonction du statut matrimonial.

En voici quelques exemples présentés par Luc Lacombe :

Au niveau fédéral

  • Crédit pour époux ou conjoint de fait
  • Crédit pour personne à charge admissible
  • Transfert au conjoint de certains crédits d’impôt inutilisés
  • Crédit pour aidants naturels
  • Frais de garde d’enfants
  • Crédit pour frais médicaux
  • Crédit pour dons de bienfaisance
  • Transfert des crédits pour frais de scolarité, pour études et pour manuels
  • Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE)
  • Prestation fiscale pour enfants (PFCE)
  • Crédit pour la TPS
  • Supplément de revenu garanti
  • Fractionnement du revenu de pension

Au niveau provincial

  • Mécanisme de transfert des crédits inutilisés du conjoint
  • Transfert du remboursement d’impôt au conjoint
  • Crédit accordé en raison de l’âge pour personne vivant seule ou pour revenus de retraite
  • Cotisation au régime d’assurance médicaments
  • Crédit d’impôt pour la solidarité
  • Crédit d’impôt remboursable pour frais de garde d’enfants
  • Contribution au fonds de santé
  • Crédit remboursable pour le traitement de l’infertilité
  • Soutien aux enfants (SAE)
  • Prime au travail
  • Fractionnement du revenu de pension

Il est impératif de savoir que le gouvernement utilise le revenu net familial des conjoints de fait comme base de calcul, réduisant d’autant les déductions, prestations et autres crédits applicables à leur situation respective. Pire, les conséquences fiscales d’un changement de statut matrimonial ne tardent plus, désormais, puisque les prestations familiales telles que la PUGE, la PFCE et le SAE s’ajustent dès que le statut de conjoint de fait est confirmé auprès des services gouvernementaux.

À l’inverse, le fait d’être en couple – de pouvoir nouvellement compter sur un conjoint de fait – peut s’avérer avantageux sur le plan fiscal. Par exemple, certains retraités fractionnent leurs revenus annuels pour octroyer 50 % de ceux-ci à leur conjoint. Ils réduisent ainsi leur facture d’impôt, dans l’espoir de conserver également leurs droits aux prestations de la Sécurité de la vieillesse.

Pour comprendre les concepts complexes reliés à la fiscalité (règles d’attribution, disposition après divorce, transfert au coût ou vente à la juste valeur marchande, règles grand-père, bigamie fiscale, etc.) au moment même où surviennent des soubresauts de la vie (séparation, divorce, décès, nouveau conjoint, vente de l’entreprise familiale, etc.), mieux vaut expliquer à vos clients entrepreneurs la nécessité d’être épaulés par un fiscaliste digne de ce nom. Un tel investissement pourrait leur permettre de s’enrichir considérablement… en minimisant leur facture fiscale!

Dominique Lamy