Assurer les enfants : une bonne idée?

Par Bernard Viau | 15 mars 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Jakub Jirsak / 123RF

Lorsqu’on rencontre un client pour parler d’assurance vie, l’objectif premier est de protéger les revenus de la famille. Une fois ce besoin couvert vient souvent la question de l’assurance des enfants. Si elle répond à un besoin réel, plusieurs clients hésitent encore à en souscrire une. Comment aborder la question avec eux?

On reçoit souvent des formations maison sur les assurances pour enfants, mais les arguments qu’on y avance me paraissent parfois mal ficelés. D’abord et surtout, parce que plusieurs d’entre eux sentent la vente. Ça, les clients le flairent.

Par exemple, certains formateurs et experts en assurance affirment qu’une assurance vie est un cadeau pour les enfants[1]. Est-ce vraiment le cas? Certains conseillers n’ont de cesse d’affirmer que, dans une vingtaine ou une trentaine d’années, l’enfant devenu adulte pourrait apprécier la tranquillité d’esprit offerte par un contrat d’assurance sur sa vie s’il est un adulte responsable, s’il vit avec un conjoint et s’il a des enfants. Personnellement, j’ai toujours trouvé cet argumentaire un peu manipulateur.

Voici ce que le script appris dans les formations maison propose de dire aux clients lors des rendez-vous : il s’agirait de « protéger l’assurabilité des enfants », d’« aimer avec un grand A ». On entend également que « c’est le meilleur âge pour s’assurer », que « le rapport coût bénéfice est le meilleur », etc.

Je n’ai pas été convaincu par ces arguments faits pour vendre non plus.

J’ai retenu, par contre, les arguments d’un mentor aujourd’hui décédé, qui me soulignait qu’« il faut faire appel aux émotions du client » et « l’amener à vouloir acheter plutôt que de chercher à lui vendre une salade. »

Et il ajoutait : « Ce n’est pas le montant de la prime ou de ta commission qui compte. Ce qui est le plus important, c’est la confiance que le client va mettre en toi. » J’ai privilégié cette approche. Parler franchement et sans arrière-pensée est toujours très apprécié de la clientèle et engendre la confiance.

DE MEILLEURS ARGUMENTS

Voici comment je présentais l’assurance des enfants. Lors du rendez-vous, je demandais d’abord à mes clients s’ils avaient une assurance contre le feu, contre le vol et pour leur voiture. Évidemment, leur réponse était toujours positive. Il est normal de s’assurer en cas de catastrophe financière.

Sans aucun doute, la perte d’un enfant reste la pire des catastrophes. J’enchaînais en leur expliquant que l’argent ne remplacera jamais leur enfant, mais si un décès survenait, pouvoir faire leur deuil sans inquiétudes financières serait essentiel. Et le coût de l’assurance est minime étant donné l’âge des enfants.

Certains clients protestent, soulignant qu’ils ne veulent pas faire d’argent avec le décès de leurs enfants. Un argument émotionnel à ne pas ignorer et auquel il faut répondre le plus sincèrement possible.

Je répondais ainsi : « Il n’est pas question de faire de l’argent ici. Un million de dollars ne vous ramènera jamais votre enfant. Le but de cette assurance est de vous permettre, en cas de besoin, de vous remettre psychologiquement. Si en plus de perdre un enfant, vous étiez obligé de retourner travailler après une semaine, comment vous sentiriez-vous? »

QUELS PRODUITS D’ASSURANCE?

Lorsqu’une cliente m’annonçait qu’elle était enceinte, je prenais rendez-vous à son septième mois de grossesse (pour que l’enfant soit assuré même s’il naît prématurément). Je proposais un avenant de protection de la famille, ou module enfant, que je greffais sur le contrat d’assurance de la mère. Un « plan familial » assure l’enfant à naître pour un maximum de 50 000 $ sans examen médical pour la majorité des assureurs. Seul l’état de santé de la mère est pris en compte. L’assurance prend effet 15 jours après la naissance.

Je profitais également du rendez-vous pour assurer le père de l’enfant en lui expliquant qu’advenant son décès, les fonds serviraient à s’occuper du bébé. Je mettais toujours la mère de l’enfant contractante de l’assurance vie du père et vice-versa, ce qui est très pratique en cas de rupture du couple, car le contractant est aussi le bénéficiaire. Les enfants sont ainsi mieux protégés par l’assurance. On évite ainsi les représailles d’un conjoint qui vit mal la séparation et annule unilatéralement l’assurance familiale.

Quinze jours après la naissance, ou avant le premier anniversaire de l’enfant (puisque la mortalité infantile est plus forte avant un an), je remplaçais parfois l’avenant famille par une assurance où l’enfant devenait le seul assuré principal si les parents n’envisageaient pas avoir d’autres enfants. Ces avenants permettent d’assurer jusqu’à neuf enfants sans augmentation de prime, selon les assureurs.

Une assurance temporaire 20 ans de 100 000 $ était le produit que je conseillais le plus souvent. Pourquoi? Je calculais alors qu’un tel capital était suffisant pour payer les dépenses encourues et donner quelques semaines de repos à mes clients. Parfois, j’ajoutais un avenant en cas d’accident (les enfants sont souvent casse-cou) et une garantie d’assurabilité. Cet avenant m’a d’ailleurs servi une fois en carrière pour un enfant très malade, qui est décédé après quelques mois et pour lequel la garantie a été exercée.

J’ai aussi rencontré des clients qui voulaient à tout prix se payer une assurance vie entière avec option de paiement rapide. Cependant, le coût étant de quatre à cinq fois plus élevé qu’une assurance temporaire, seuls les clients fortunés peuvent se permettent de tels contrats, un luxe que je ne conseillais que rarement à mes clients. Au lieu d’avoir ce « cadeau », l’enfant peut très bien se responsabiliser en payant lui-même sa propre prime une fois adulte.

Le plus grand stress financier qu’une famille puisse rencontrer est cependant une maladie grave d’enfant, ce qui est arrivé à certains de mes clients. Les frais non couverts obligent parfois à liquider le REER et à hypothéquer de nouveau la maison. Je proposais donc toujours une assurance maladie grave pour enfant aux clients nouvellement parents, soit en avenant, soit avec un nouveau contrat.

La question du coût mensuel d’une assurance est souvent l’argument principal des clients, bien que le prix ne dépasse parfois pas celui d’une pizza. Ma réponse était la suivante : « Je calcule toujours le coût des choses en tasses de café. Un café par jour représente 40 $ par mois. Un restaurant par mois coûte le même prix. Votre cellulaire vous coûte combien par mois? »

Le coût d’une assurance temporaire 20 ans avoisine les 18 $ par mois, selon les assureurs. De quoi remettre les choses en perspective. Tous les parents peuvent se permettre de payer une telle prime.

Assurer un enfant, c’est donc, au fond, assurer ses parents contre les conséquences financières d’un décès lourd à porter. Le présenter comme un cadeau n’est pas totalement faux, mais c’est jouer sur les mots. La franchise est une meilleure semence pour récolter la confiance de ses clients, selon mon expérience.

Bernard Viau est conseiller à la retraite.

[1] Les Affaires, Offrir l’assurance vie en cadeau à un enfant, bit.ly/2F0KNv4

Bernard Viau