Changement de mentalités

17 avril 2005 | Dernière mise à jour le 17 avril 2005
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Le début du XXIe siècle est bien différent de la fin duprécédent. Cela est vrai dans plusieurs secteurs(politique, environnement,etc.), et surtout dans celui des services financiers. Or le phénomèneprincipal des hauts et des bas des marchés et de leurs acteurs n’estrien de nouveau : il s’agit du cycle économique. On a eu tendanceà en oublier l’existence, surtout quand il était commodede le faire, à savoir lors de longues périodes de cycle haussier.Deux de celles-ci me viennent à l’esprit : les années 1920et les années 1990.

Je vous invite à faire une comparaison. Si vous allez sur le site Internetde Dow Jones1, vous trouverez, dans la marge de gauche de la page,des graphiques de l’indice Dow Jones par décennie. Regardez lespériodes 1920-1929 et 1990-1999 et lisez les textes Dow Knowledgeafférents.

Durant les Roaring Twenties illustrées dans le graphique 1920-1929,on mentionne un «New Era» bull market : un marché haussierde nouvelle ère. Cette période constitue l’un des marchéshaussiers les plus forts du XXe siècle, avec un quasi-quadruplement del’indice entre 1924 et 1929 et six records successifs du Dow Jones aucours de ces mêmes années. Mais on connaît la suite, avecla chute des 28 et 29 octobre 1929.

Dans les années 1990, on a vécu une nouvelle ère technologique.Le Dow Jones est passé de moins de 3 000 à plus de 10 000, aveccertains soubresauts comme la crise de 1998, mais avec une tendance haussièreirrésistible. Et là aussi, on connaît la suite…

Un courant de conservatisme

Si je fais ces parallèles, ce n’est pas pour être alarmiste,c’est pour expliquer le fait qu’il existe à l’heureactuelle un courant de conservatisme dans le conseil financier qui représenteun retour de balancier par rapport à l’«exubéranceirrationnelle»2 qui a existé à la fin du siècledernier.Je vous parlais récemment d’un livre3, écritde façon très accessible à l’intention des investisseursaméricains et de leurs conseillers, dont le but était d’êtrerassurant. On y invite les investisseurs à établir le niveau d’épargnequi leur permettra de mettre en œuvre leur plan de retraite «sansaucun risque», essentiellement à l’aide de titres àrevenu fixe du gouvernement indexés à l’inflation, enneminuméro 1 du portefeuille à long terme.

On ne se penche sur les actions qu’après avoir fait comprendreà l’investisseur que la croyance du Stocks for the long runà la sauce Jeremy Siegel, soit que les actions dominent les autres catégoriesd’actifs sur de longues périodes, c’est tout simplement faux.Les actions, c’est un dernier recours périlleux. On remet mêmeen cause la méthode de la moyenne d’achat par somme fixe(dollarcost averaging), avec une argumentation qui me semble toutefois spécieuse.L’essentiel du livre, c’est «Don’t worry, be happy»…

En fait, on en est à discréditer d’emblée les marchésboursiers, ce qui me semble, disons, irrationnel. On ne peut le nier, les portefeuillesont considérablement souffert récemment. Mais mettons les chosesen perspective : la cupidité et la peur sont sans doute plus àblâmer que des fautes de catégories d’actifs comme telles.Le problème me semble provenir du fait qu’à la fin des années1990 plusieurs ont abandonné la discipline d’une saine répartitiond’actif et d’une bonne diversification en faveur d’instinctsun peu plus cupides et de plus court terme. Plutôt que de quitter lesmarchés de but en blanc, mieux vaut se rabattre sur les principes deconstruction de portefeuille à long terme et y ajouter les connaissancesactuelles en finance béhaviorale, qui permettent de mieux comprendreles réactions «irrationnelles» de l’animal investisseur.

Pierre Saint-Laurent, M. Sc., CFA, CAIA, est président d’ActifConseilà Montréal. On peut lui écrire à l’adressepsl@actifconseil.com.

1. www.djindexes.com/mdsidx/index.cfm?event=showAverages.2. Voir à ce sujet le best-seller de Robert J. Shiller, Irrational Exuberance(Broadway, 2001).3. Bodie, Zvi, et Michael J. Clowes. Worry-Free Investing: A Safe Approach toAchieving Your Lifetime Financial Goals, Financial Times Prentice-Hall, 2003.