Investir dans le cannabis n’est pas forcément une bonne idée

Par La rédaction | 23 octobre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
Photo : Tyson Anderson / 123RF

Aujourd’hui, il existe au moins un domaine dans lequel les investisseurs devraient faire preuve d’une extrême prudence : celui de l’industrie de la marijuana, met en garde Martin Pelletier (CFA) dans le Financial Post

En effet, explique le gestionnaire de portefeuille et chef des opérations internationales à TriVest Wealth Counsel, une société de gestion privée et institutionnelle basée à Calgary, lorsque l’offre est limitée, comme c’est le cas dans le secteur du cannabis, une personne qui investit prend des risques.

En effet, explique Martin Pelletier, le problème est que les rendements de ce type de produit, souvent assez dynamiques, évoluent en fonction de la demande des investisseurs, « ce qui peut modifier la relation entre le prix d’un investissement et celui de ses fondamentaux sous-jacents ». Et comme une offre restreinte aggrave souvent la situation, dans les cas où celle-ci est extrêmement limitée, « ce qui a débuté par un investissement peut se transformer en un jeu pyramidal dans lequel l’objectif principal est de trouver un autre acheteur disposé à payer un prix plus élevé que l’investisseur initial ».

L’EUPHORIE EST AU RENDEZ-VOUS, MAIS…

Dans le cas de la marijuana, relève le gestionnaire de portefeuille, l’euphorie est bel et bien au rendez-vous, comme en attestent les gros titres des journaux de la semaine dernière partout au pays à propos de la récente légalisation de cette drogue. Le hic, ajoute-t-il, c’est que « ce secteur ne correspond pas à la description qui en est faite [dans les médias], car son évaluation actuelle a éclipsé la taille escomptée du marché » à plus long terme.

Plus précisément, l’industrie dans son ensemble représente une capitalisation boursière supérieure à 50 milliards de dollars, alors que ses prévisions de revenus annuels totaux de cinq à sept milliards de dollars ne concernent que le Canada, indique Martin Pelletier. Celui-ci note que certaines sociétés disposant d’actifs compris entre cinq et 15 millions de dollars se sont ouvertes au grand public et ont obtenu une valorisation de plusieurs centaines de millions en termes de capitalisation boursière. Toutefois, avertit-il, ces compagnies pourraient finir par manquer de liquidités, une éventualité à ne pas négliger au cas où on leur demanderait de participer à une nouvelle émission d’actions.

Pour éviter de se retrouver en mauvaise posture, les investisseurs ont intérêt à « prendre du recul et à comparer leur investissement [dans l’industrie de la marijuana] avec d’autres secteurs d’activité présents sur le marché » afin de mieux en saisir les avantages et les inconvénients, recommande Martin Pelletier. Sa conclusion? « Le risque est l’un des concepts les plus importants et les moins bien compris du domaine de l’investissement. Bien que la plupart d’entre nous réalisent qu’il s’agit de la probabilité d’une perte permanente ou d’un traumatisme, notre perception vis-à-vis de cette probabilité peut varier radicalement selon ce que font les autres investisseurs. »

Selon DBRS, le cannabis reste un placement spéculatif

Malgré son important potentiel de croissance, le marché du cannabis est fragile et nombre de producteurs au pays disparaîtront à plus ou moins long terme, rapporte Le Devoir. Citant une récente analyse de l’agence de notation torontoise DBRS, le journal rappelle que huit jours après la légalisation du pot et l’ouverture au public des succursales et des sites transactionnels, les titres de plusieurs entreprises du secteur ont perdu jusqu’à 15 %.

« Au départ, nous estimons que les principaux producteurs (…) présentent des caractéristiques qui rappellent celles des cotes plus faibles et spéculatives », écrit notamment DBRS dans sa note de synthèse. Le Devoir écrit que, selon l’agence, l’industrie de la marijuana demeure encore « relativement petite », tandis que « les données historiques sont minces et limitées au cannabis médical » et que « le secteur sera soumis à de multiples variables, comme la concurrence et la réglementation ».

MISE EN GARDE DE L’AMF

Malgré tout, ajoute DBRS, son profil de risque « pourrait s’améliorer de façon importante et rapide au fur et à mesure que les sociétés s’installent, que les données deviennent disponibles et que le comportement des consommateurs, des concurrents et des autorités est mieux connu ». « Même si le développement du secteur pourrait bénéficier à tous les producteurs autorisés, tous n’afficheront pas la même performance et plusieurs vont échouer », prévoit l’agence de notation, qui note que, à ce jour, Santé Canada a délivré 132 permis à 120 sociétés, dont une dizaine se trouvent au Québec.

Le Devoir relève par ailleurs que l’Autorité des marchés financiers a récemment mis en garde les investisseurs afin de leur rappeler que, jusqu’à la semaine dernière, le secteur se trouvait dans l’illégalité, ce qui lui confère une certaine fragilité et laisse planer un doute quant à l’avenir. « L’industrie du cannabis est récente et pourrait considérablement évoluer au cours des prochaines années. Il n’est donc pas certain que toutes les entreprises de ce secteur seront rentables. Certaines tireront leur épingle du jeu, et d’autres fermeront », avertissait l’AMF.

La rédaction