Les actions et les obligations se contredisent

Par Nicolas Ritoux | 29 août 2023 | Dernière mise à jour le 26 septembre 2023
4 minutes de lecture
Photo : Karsten Neglia / 123RF

La croissance des marchés d’actions va à l’encontre du risque ambiant, croit Peter Hardy, gestionnaire de portefeuille, actions mondiales de style valeur, pour American Century Investments à Kansas City (Missouri).

Cliquez ici pour entendre l’entrevue complète en baladodiffusion sur Gestionnaires en direct, de la CIBC.

Les actions américaines ont connu une année vigoureuse jusqu’ici, notamment grâce à l’engouement pour l’intelligence artificielle (IA). Les titres technos en particulier ont profité des effets d’annonce de NVIDIA à la fin mai. Les actions de style croissance ont surperformé par rapport au style valeur, et le NASDAQ a pris 30 % tandis que l’indice de style valeur Russell 1000 n’affiche que 2 %.

Cela fait dire à Peter Hardy que le marché ignore le type de risque qui avait conduit aux déclins de 2022 ; plutôt que de s’inquiéter des hausses de taux d’intérêt, il s’emballe pour les promesses de profits de l’IA. S’il est vrai que l’IA peut devenir un puissant moteur de croissance économique, le marché lui a attribué une énorme valeur sans que les profits ne se soient encore matérialisés, et cela pourrait prendre un long moment.

« Par exemple, Microsoft a annoncé des dépenses en IA sans donner la moindre prévision de revenu, et son titre a gagné 24 % depuis lors. Sa capitalisation boursière est passée de 1,8 à 2.5 billions de dollars. C’est une excellente société, et nous avons déjà été actionnaires par le passé, mais nous nous sommes départis du titre en voyant les chiffres du second trimestre », dit Peter Hardy.

Il cite aussi Apple, qui a prévu une baisse de profits pour les quatre prochains trimestres et a tout de même vu sa capitalisation boursière passer de 2 à 2,8 billions. « Les deux sociétés ont gagné 700 billions de capitalisation sans aucune certitude de profits. L’IA offre de belles perspectives à long terme, mais les cours des actions sont pour le moins gonflés à court terme », poursuit-il.

En fait, les grandes sociétés technologiques sont responsables de la majeure partie de la hausse des marchés d’actions cette année. Dans ce contexte, l’expert privilégie les sociétés de haute qualité dont les titres s’échangent à des prix adéquats relativement à leur potentiel de profit.

Cette insouciance face au risque ambiant se trouve aussi dans d’autres secteurs, comme par exemples les croisières. Les titres de Carnival, Royal Caribbean et Norwegian ont plus que doublé en 2023, alors qu’un ralentissement économique s’annonce et qu’elles sont déjà très endettées, ce qui les rend peu attrayants de notre point de vue.

« Il y a actuellement sur le marché une dynamique de spéculation sans égard aux risques, et les investisseurs doivent en tenir compte, dans les technologies comme ailleurs », conclut-il.

Alors que l’inflation ralentit peu à peu, les rendements obligataires continuent d’augmenter. Les bons du Trésor américain sur dix ans sont passés de 3,7 % à 4,3 % au mois d’août, sous l’effet d’un déclassement de la dette américaine par l’agence Fitch et de nombreuses émissions par le Trésor.

Les hausses de rendement obligataire conduisent habituellement à une volatilité des marchés d’actions, et pourtant, ceux-ci semblent ignorer la situation. « Les obligations et les actions se contredisent. Les titres de style croissance à échéance lointaine ont surperformé par rapport aux titres de style valeur à échéance rapprochée », observe Peter Hardy.

« Les hausses de taux d’intérêt et les hausses de rendements obligataires affectent la croissance économique et la profitabilité des entreprises, et ce sont des risques que nous devons prendre en compte même si le risque d’une nouvelle hausse de taux semble amoindri », dit-il.

Sa prédilection va aux biens de consommation courante et aux soins de santé, deux secteurs qui prévoient clairement des profits et où les titres s’échangent à des cours attrayants.

« Nous avons aussi déniché plusieurs poches de valeur au cours de l’année. Par exemple dans l’assurance : les gens faisaient moins de réclamations lorsqu’ils étaient en confinement durant la pandémie, or ils se sont remis à en faire et les profits des assureurs ont été affectés. Ce n’était qu’un choc temporaire, mais qui a rendu les cours de leurs titres attrayants », note Peter Hardy.

Il mentionne enfin les services d’utilité publique, un segment très stable où les titres ont pourtant connu des rendements négatifs cette année, les rendant d’autant plus attrayants pour quiconque souhaite éviter le risque ambiant.

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.