Les banques entrent dans une phase d’incertitude 

Par Nicolas Ritoux | 4 juillet 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Incertitude, questionnement
Photo : alphaspirit / 123RF

Pendant que les banques accusent un recul des profits, il est temps de saisir des occasions dans d’autres segments du secteur financier, croit Natalie Taylor, gestionnaire de portefeuille à Gestion d’actifs CIBC.

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Les profits des banques au second trimestre ont été plus bas que l’année dernière à pareille date, et tombent en-deçà des prévisions des analystes. Plusieurs causes expliquent cela, comme une pression accrue sur les marges ainsi qu’une hausse des dépenses (+11 % en moyenne) sous l’effet de l’inflation. Les coûts du crédit ont monté quelque peu mais on peut s’attendre à ce que les profits des banques continuent de décliner doucement au cours du reste de l’année, ce qui est d’ailleurs pris en compte dans les cours de leurs actions. Cependant, plusieurs inconnues laissent planer le doute sur cette prédiction.

« D’abord, les dépenses ont pris une trajectoire vers le haut qui pousse les dirigeants à les gérer de manière plus agressive. Ensuite, il y a l’apport potentiel de nouveaux clients sous l’effet d’une immigration accrue au Canada. Enfin, la Banque du Canada nous a surpris au mois de juin avec sa hausse de taux de 25 points de base, alors qu’on s’attendait à ce qu’elle prenne une pause comme la Fed. Elle s’est donc montrée plus optimiste que ce qu’anticipait le marché, ce qui fait croître les risques d’une erreur de politique et donc d’une entrée en récession », observe Natalie Taylor.

Si la possibilité d’un ralentissement économique est déjà reflétée dans leurs prévisions de profits, celle d’une récession ne l’est pas, prévient l’experte, d’autant plus qu’il est difficile d’en prévoir l’échéance ou l’amplitude.

« La plus importante source de variation des profits des banques en cas de récession est une hausse de leurs coûts de crédit, qui peuvent bondir jusqu’à deux à trois fois au-dessus des niveaux considérés comme normaux. Par exemple, leurs provisions pour créances irrécouvrables sont actuellement de 20 à 30 points de base, or elles pourraient grimper jusqu’à 70 à 80 points de base au pic d’un cycle. Si une récession se déclenche, les investisseurs et les analystes auront peu de visibilité sur la gravité de ces pertes, ou le moment de leur pic. Alors dans les premiers temps d’un ralentissement économique, lorsqu’on rapporte une hausse du chômage, les profits des banques peuvent sévèrement reculer. Lors de tels épisodes dans le passé, ils ont reculé en moyenne de 15 à 20 %, alors que le consensus actuel est sous les 10 % », dit Natalie Taylor.

Elle précise qu’historiquement, les profits se sont rétablis sous 12 à 24 mois.

« Il ne faut pas oublier leurs dividendes, qui ont été maintenus tout au long des 30 dernières années, ce qui inclut plusieurs périodes de ralentissement économique. Ils ont parfois cessé d’augmenter, mais ils n’ont jamais baissé, et nous nous attendons à ce que ce soit le cas à nouveau, puisque leurs niveaux de capitalisation et la qualité de leurs capitaux se sont améliorés depuis », poursuit Natalie Taylor.

« Il existe donc un risque de sous-performance des banques au cours des 12 prochains mois. Même si elles ont une réputation bien méritée de performance continue, elles demeurent économiquement sensibles. Les banques fortement capitalisées avec de bons revenus et des dividendes élevés entre 5 et 6 %, comme la TD ou la Royale, vont rester dans notre portefeuille. En revanche, nous avons intérêt à nous diversifier avec des entreprises de haute qualité de nature défensive, avec de forts potentiels de croissance à long terme », partage-t-elle.

L’experte mentionne deux sociétés du secteur financier qui ont connu des revers et dont les actions s’échangent par conséquent à des cours attrayants. La première est la torontoise Element Fleet Management, qui offre du financement aux flottes privées de véhicules. Elle a récemment souffert d’un manque de disponibilité de véhicule en raison de retards dans les chaînes d’approvisionnement, et n’a pu, donc, répondre entièrement à une forte demande. L’industrie est en outre sensible aux taux d’intérêt. Mais à long terme, Mme Taylor s’attend à ce qu’Element accroisse son offre de service, ses flux de revenus et ses parts de marchés, et qu’elle tire parti de la transition vers l’électrique.

L’autre aubaine à saisir est Intact Corporation financière, également de Toronto, le plus grand assureur de biens et dommages au pays. La demande pour ses produits n’est aucunement influencée par le contexte économique, et dans le cas de l’assurance auto, la demande est imposée par la loi. Selon l’experte, Intact est bien positionnée pour prendre encore de l’ampleur et profiter d’un effet d’échelle.

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.