Les avantages et inconvénients de la fiducie testamentaire 

Par Nathalie Savaria | 29 avril 2024 | Dernière mise à jour le 26 avril 2024
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Concept d’accord avec stylo plume et documents.
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La fiducie testamentaire pourrait être utile aux personnes souhaitant assurer une gestion posthume de leur patrimoine.

Un testament, qu’on rédige de son vivant avec l’aide d’un notaire ou d’un avocat, permet d’énoncer ses dernières volontés.

Toutefois, « si on a besoin d’une protection supplémentaire pour nos héritiers et d’exercer un certain contrôle sur le patrimoine laissé à notre départ, notamment dans le cas d’enfants mineurs ou d’une personne handicapée, des règles peuvent être mises en place », souligne Martin Gervais, planificateur financier chez De Champlain Groupe financier.

DES MODALITÉS PRÉCISES

Ainsi, il peut être utile d’inclure, en annexe du testament, une fiducie testamentaire, également appelée testament fiduciaire. Il s’agit d’un document juridique dans lequel le constituant, ou testateur, précise les modalités qui vont régir cette fiducie.

La fiducie testamentaire s’active au décès. Une partie ou l’ensemble des biens du défunt y seront alors transférés. Il peut s’agir entre autres de liquidités, d’immeubles, de collections de valeur ou même de produits d’assurance.

Le fiduciaire ou l’administrateur de la fiducie préalablement désigné sera chargé d’administrer et de distribuer ces biens de manière progressive et dans le temps, selon un calendrier précis, en déterminant le type de revenu que recevront les bénéficiaires.

« Si, dans la fiducie, il y a un immeuble à revenu, illustre Martin Gervais, les revenus des loyers, nets de dépenses, peuvent être distribués, par exemple, à la mère, qui peut, elle aussi, faire partie de la fiducie testamentaire. Mais par la suite, les enfants peuvent hériter du capital. C’est-à-dire que quand l’immeuble sera vendu, celui-ci sera divisé à parts égales entre eux. »

Parmi sa clientèle, le planificateur financier observe que certaines personnes ont mis en place une fiducie testamentaire pour protéger leur enfant handicapé, afin de veiller à ce qu’il reçoive des soins médicaux de qualité, allant même jusqu’à indiquer les établissements de soins.

« Plus il y aura de détails, plus le fiduciaire va avoir les outils en main pour prendre de bonnes décisions. Car sans règles claires, ça peut être matière à interprétation », prévient Martin Gervais.

LE FIDUCIAIRE OU L’ADMINISTRATEUR

La désignation du fiduciaire doit être mûrement réfléchie. On peut nommer une personne de confiance ou de sa famille, mais il se peut qu’elle n’ait pas les compétences pour assumer un tel rôle.

« Si vous avez nommé votre frère qui n’a jamais géré d’immeubles, ce n’est peut-être pas un choix judicieux », avance Martin Gervais en référant à son exemple précédent.

De plus, le fiduciaire doit pouvoir remplir son rôle sur le long terme auprès des bénéficiaires, la fiducie ayant généralement 21 ans après sa création pour distribuer la totalité des actifs, signale Martin Gervais.

Voilà pourquoi on recommande de recourir aux services d’un professionnel. Les frais de gestion sont certes assez élevés, mais faire affaire avec une entreprise spécialisée en fiducie testamentaire peut être avantageux, celle-ci offrant l’expertise, la pérennité et la neutralité nécessaires.

« On joue beaucoup avec les émotions d’êtres humains. D’entrée de jeu, si le testateur a mis en place une fiducie, c’est pour avoir un contrôle. Et les bénéficiaires, ce qu’ils veulent le moins, c’est que quelqu’un les contrôle », mentionne le planificateur financier.

DES AVANTAGES ET DES INCONVÉNIENTS

Ce véhicule juridique comporte son lot d’avantages et d’inconvénients.

Parmi les avantages, outre la protection des personnes mineures, malades ou handicapées et des conjoints, la fiducie testamentaire peut également être utile lorsqu’on souhaite léguer ses biens à des bénéficiaires aux prises avec des problèmes de consommation ou de jeux.

« C’est une façon de les protéger d’eux-mêmes », fait-il valoir.

Elle permet aussi de protéger l’héritage des bénéficiaires contre d’éventuels créanciers.

« Si, un jour, un bénéficiaire se lance en affaires et contracte des prêts importants qu’il ne peut pas rembourser, les institutions financières et les créanciers ne pourront pas saisir la fiducie ; elle est insaisissable. C’est d’autant plus important que s’il fait faillite, ils ne pourront pas saisir le patrimoine de la fiducie. »

Ce véhicule juridique protège aussi les familles lorsque de nouveaux conjoints apparaissent.

Par exemple, une nouvelle conjointe pourrait tenter de faire sortir des sommes d’argent de la fiducie, mais le fiduciaire, qui a un rôle très important de rigueur et qui doit exécuter à la lettre les volontés du défunt, s’y opposera, « même s’il y a une insistance de la part du bénéficiaire à cause des pressions de sa nouvelle famille ou de sa nouvelle conjointe. »

Advenant un divorce, les biens contenus dans la fiducie ne seront pas séparables entre les deux ex-conjoints.

« Ce qui est dans la fiducie reste dans la fiducie », insiste le planificateur financier.

Enfin, la fiducie peut aussi inclure les petits-enfants pour qui, par exemple, on souhaite poursuivre les cotisations à un Régime enregistré d’épargne étude (REEE).

Quant aux inconvénients, la mise en place d’une telle fiducie exige des frais juridiques initiaux de plusieurs milliers de dollars, selon la complexité du dossier. Outre ses honoraires, le fiduciaire aura aussi des dépenses liées à sa gestion. À cela s’ajoutent les frais comptables.

« Tout comme une personne morale ou une compagnie, il faut produire un rapport d’impôt annuel », indique le planificateur financier.

Les revenus accumulés dans la fiducie sont assujettis au taux d’imposition le plus élevé applicable. En comparaison, souligne-t-il, la succession qui est, elle aussi, une fiducie testamentaire créée au décès, est imposée à taux progressifs pendant une période maximale de 36 mois suivant le décès.

UN TESTAMENT OU UNE FIDUCIE TESTAMENTAIRE ?

Pour Martin Gervais, lorsqu’on met en place une fiducie testamentaire, il faut que cela en vaille vraiment la peine, d’autant plus que le testament notarié répond généralement à la majorité des besoins.

« On ne fait pas ça pour quelques centaines de milliers de dollars. Si on veut un contrôle et que notre souci numéro un est de protéger quelqu’un, on va le faire, puis on va en assumer les coûts. Mais si c’est juste pour m’assurer que mes enfants aient leur argent ou leurs actifs seulement à 25 ans, par exemple, ça peut être mentionné dans un testament standard. […] Et c’est le liquidateur qui va s’assurer de distribuer les sommes, tel que mentionné dans le testament. »

Considérant les frais juridiques initiaux, de gestion et de comptabilité, la fiducie testamentaire est-elle surtout destinée à une clientèle bien nantie ? Pour cet expert, la réponse est oui et non.

« Il n’y a pas de règle, mais on voit très rarement des gens avec des actifs inférieurs à 1 million de dollars mettre en place une fiducie testamentaire. »

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Natalie Savaria

Nathalie Savaria

Nathalie Savaria a été rédactrice en chef de magazines dans le domaine de l’immobilier commercial. Elle est journaliste indépendante.