Marchés : le bilan de 2018 s’annonce désastreux

Par La rédaction | 7 Décembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Signe de dollar en 3D explosant entre les mains ouvertes d'un homme d'affaires.
Photo : Sebastien Decoret / 123RF

Bien qu’ils soient orientés à la hausse depuis une dizaine d’années, les marchés ont déjà subi des baisses plus importantes que celle enregistrée aujourd’hui. Toutefois, ce qui différencie le repli actuel des ajustements passés, c’est qu’il dure plus longtemps, estime le conseiller en placement Steven Belchetz.

Dans un texte publié la semaine dernière sur le site Conseillers T.E., le gestionnaire de portefeuille, également vice-président principal, prospection de clientèle et relations avec les clients de la firme torontoise, rappelle que, durant l’été 2011, les marchés boursiers avaient reculé de plus de 20 % à la suite de la crise de la dette en Europe. De même, en 2015, les marchés canadiens avaient été durement frappés par l’effondrement du prix du pétrole, tandis que l’année suivante, les cours de la Bourse avaient dévissé, notamment à cause du résultat du référendum sur le Brexit.

Mais ces crises avaient été relativement brèves alors que le repli actuel, amorcé fin septembre, fait qu’il est d’ores et déjà possible d’affirmer que les marchés boursiers mondiaux ont enregistré leur pire chute depuis le début de 2016, souligne Steven Belchetz. En Amérique du Nord, l’indice canadien S&P/TSX a ainsi cédé 7,2 % et l’indice américain S&P 500 en dollars canadiens, 6,7 %. De son côté, l’indice composé NASDAQ, fortement pondéré en titres technologiques, a plongé de plus de 13,4 %, affichant sa chute la plus prononcée depuis 2007.

« AUCUNE CATÉGORIE D’ACTIF N’EST ÉPARGNÉE »

Ce qui distingue par ailleurs le repli actuel des marchés des baisses relevées depuis 10 ans c’est qu’« aucune catégorie d’actif ne fait figure de refuge, à l’exception des liquidités », insiste le gestionnaire de portefeuille. Il y a quelques jours, la firme de recherche et d’analyse Ned Davis Research avait abouti au même constat, prévoyant qu’aucune catégorie d’actif ne générerait un rendement de plus de 5 % en 2018.

Résultat, les obligations ont enregistré des rendements négatifs à cause de la hausse des taux d’intérêt. « De toute évidence, cette correction est attribuable en grande partie aux titres technologiques, soit les actions FAANG [Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Google, désormais appelée Alphabet], qui avaient progressé de façon spectaculaire et qui se négociaient à des cours élevés », précise Steven Belchetz.

Celui-ci juge que puisque l’indice S&P 500 est pondéré en fonction de la capitalisation boursière, environ 40 % de la hausse et, vraisemblablement, de la baisse de l’indice est imputable à ces titres. En effet, relève-t-il, « les clients dont les portefeuilles bien diversifiés ne sont pas fortement pondérés en titres technologiques ont enregistré des baisses moins prononcées que l’ensemble du marché, en particulier du marché boursier américain ». Le marché canadien a quant à lui « souffert de l’effondrement du prix du pétrole », qui a chuté de plus de 25 % depuis la fin du mois de septembre.

GARE AUX TARIFS DOUANIERS ET AUX TAUX D’INTÉRÊT

Si Steven Belchetz juge le marché « très “survendu” à court terme », il estime également que « ce repli est différent du décrochage de février » et qu’« il est davantage indicatif du risque global planant sur les marchés boursiers », un risque dont il dit se méfier « depuis déjà quelques mois ». D’après lui, le marasme actuel est dû à « un ensemble de problèmes plus graves » qu’à l’époque.

À l’instar du recul de février, le repli des marchés américains serait en effet « exacerbé par l’intensification des craintes d’un durcissement de la politique monétaire de la Fed, surtout après les propos de son président, Jerome Powell, qui a déclaré [en octobre] que les taux d’intérêt américains à court terme étaient encore loin d’être neutres ».

Le conseiller en placement note également que « la majorité des grandes sociétés mondiales aux États-Unis commencent à ressentir les répercussions du ralentissement de la croissance en Asie, dans les pays émergents ainsi qu’en Europe, de même que les effets de la guerre commerciale et des tarifs douaniers ». Par ailleurs, bien que la croissance de leurs bénéfices trimestriels demeure solide, « certaines sociétés manifestent des appréhensions quant à l’avenir, particulièrement en ce qui concerne l’incidence que les tarifs douaniers et la hausse des taux d’intérêt auront sur la croissance ».

Enfin, rappelle Steven Belchetz, « la hausse des taux d’intérêt a éliminé l’important soutien en liquidités qui avait fait progresser les cours boursiers ces 10 dernières années », ce qui, selon lui, rendait prévisible la compression des évaluations boursières constatée aujourd’hui. « Il semble que les cours boursiers approchent désormais de “niveaux plus acceptables pour l’achat”, lesquels, espérons-le, se traduiront par des cours boursiers plus stables », indique le vice-président principal de Conseillers T.E.

« CONSERVER UNE STRATÉGIE DE PLACEMENT À LONG TERME »

Le dirigeant estime que la situation sur le marché national est cependant bien différente. La raison? L’écart de prix entre le pétrole canadien et l’ensemble du marché n’ayant jamais été aussi prononcé depuis plus de 10 ans, « le marché boursier canadien pourrait enfin avoir l’occasion d’afficher de meilleurs résultats ». En outre, « d’importantes améliorations ont été apportées dans le secteur des mines et métaux, ainsi que dans d’autres secteurs industriels, qui représentent une part appréciable de l’économie canadienne ». Par conséquent, « ces secteurs pourraient désormais être mieux placés que dans le passé pour résister à un ralentissement de la demande mondiale ».

De même, remarque Steven Belchetz, « l’escompte auquel les actions canadiennes se négocient par rapport aux actions américaines approche de niveaux records, comparables à ceux observés après l’éclatement de la bulle technologique et avant le boom des matières premières, de 2003 à 2008 ».

Dans ce contexte globalement incertain, le dirigeant affirme recommander à ses clients « de ne pas déroger à leur stratégie de placement à long terme », soulignant qu’« au besoin », il rééquilibrera leurs portefeuilles « pour profiter des conditions actuelles du marché ». « Notre objectif consiste à éviter de prendre des décisions irrationnelles sous le coup de la panique. Comme le montre l’activité dans les portefeuilles des clients qui faisaient affaire avec nous lors de la crise financière de 2008-2009, cette stratégie leur a été favorable et leurs portefeuilles se sont redressés très fortement avec le temps », conclut Steven Belchetz.

La rédaction