Petit guide pour devenir un investisseur autonome

Par Pierre-Luc Trudel | 18 avril 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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En quête d’autonomie et de liberté, de plus en plus de petits épargnants se tournent vers les plateformes de courtage en ligne pour investir leur argent. Dans un ouvrage paru le mois dernier, le journaliste financier Stéphane Desjardins explique aux négociateurs en herbe les bases de la gestion de portefeuille… et fait l’éloge de l’investissement en solo.

Des styles de gestion aux ratios financiers en passant par la finance comportementale et les différents types de placement, Le courtage en ligne : petit guide pour l’investisseur autonome est une lecture incontournable pour quiconque envisage de réaliser sa première transaction sur les marchés financiers. Conseiller s’est entretenu avec son auteur.

Conseiller : Vous soutenez que n’importe qui peut devenir un investisseur autonome. Le monde des placements est pourtant très complexe…

Stéphane Desjardins : Ce n’est pas simple en effet. Dans mon livre, je préviens les lecteurs qu’ils ont besoin de trois ingrédients incontournables pour connaître le succès en placement : savoir maîtriser ses émotions, se documenter adéquatement et y consacrer le temps qu’il faut.

C : Les épargnants qui décident de gérer eux-mêmes leurs placements doivent-ils avoir une tolérance au risque plus élevée que la moyenne?

SD : Définitivement. Mais il ne faut pas prendre des risques inconsidérés non plus. Depuis que j’ai lancé mon livre, quelques personnes m’ont dit qu’elles voulaient « jouer à la Bourse ». Ça, c’est justement prendre des risques inconsidérés. On investit, on ne joue pas.

C : Justement, quel est le principal risque auquel font face les investisseurs autonomes?

SD : Leurs émotions, sans aucun doute. Il faut prendre les mesures nécessaires pour pouvoir maîtriser ses biais comportementaux, c’est-à-dire se documenter continuellement. On doit éviter de céder à certaines pulsions normales dans le fonctionnement du cerveau humain. Les gens qui font carrière dans le placement consacrent l’essentiel de leur journée à se documenter. Ils lisent beaucoup plus que la moyenne des gens. Les investisseurs autonomes doivent faire de même.

C : N’est-ce pas un peu utopique de penser qu’un investisseur qui n’a pas forcément des connaissances de haut niveau en placement fera mieux que des investisseurs professionnels?

SD : C’est possible d’obtenir de très bons résultats en tant qu’investisseur autonome. Je connais des gens qui ont réussi à battre des professionnels. Moi-même j’ai eu de très bons résultats pendant de nombreuses années. J’ai perdu beaucoup d’argent, mais j’en ai fait beaucoup aussi. Au final, j’avais une moyenne au bâton plus élevée que bien des gestionnaires professionnels. C’est connu, la majorité des gestionnaires de fonds communs sont incapables de battre leur indice de référence année après année. Et quand on achète ou vend des titres soi-même, on contourne la question des frais facturés par les conseillers. Mais c’est certain que ça demande une certaine discipline.

C : Vous encouragez les investisseurs à s’occuper eux-mêmes de leurs placements. Les conseillers en services financiers ont-ils encore une raison d’être?

SD : Oui, tout à fait. Beaucoup de gens investissent de manière binaire. Ils confient une partie de leurs placements à un conseiller, souvent le REER, et gèrent eux-mêmes l’autre partie, souvent le CELI. Le conseiller a donc un rôle de mentor. Pour ouvrir un compte auprès d’un courtier à escompte, les investisseurs doivent témoigner d’une certaine connaissance des marchés. Très souvent, ils vont obtenir cette connaissance-là auprès de leur conseiller.

Ce n’est pas non plus tout le monde qui a le temps ou l’envie de se consacrer à ses placements. Le niveau de littératie financière demeure relativement bas dans la population. Même s’il y a des millions d’investisseurs individuels en Amérique du Nord, seulement une minorité d’entre eux ont réellement la capacité de dégager des rendements intéressants avec la gestion autonome.

C : Donc selon vous, les conseillers ne sont pas menacés d’extinction par le courtage en ligne et les conseillers-robots?

SD : Les êtres humains sont des animaux sociaux. Les gens ont besoin de rapports humains. Je pense qu’une part grandissante de la population va se satisfaire d’outils automatisés, mais beaucoup d’épargnants ne voudront probablement jamais se fier à des conseillers-robots pour gérer l’avenir financier de leur famille. Les gens se sentent désemparés en matière financière et ont encore besoin de conseillers. Depuis déjà longtemps les propriétaires peuvent vendre leur maison de façon presque 100 % automatisée grâce à des courtiers en ligne. Pourquoi alors les agents immobiliers n’ont pas été rayés de la carte? Parce qu’il y a encore un besoin dans le marché pour des conseils humains.

Il y a toutefois une proportion grandissante de consommateurs qui s’intéressent aux placements et qui commencent à s’interroger sur les notions de conflit d’intérêts liées à la rémunération des conseillers. En réponse à cela, l’industrie se transforme. La rémunération basée sur l’actif plutôt que sur les commissions est en croissance, par exemple. Les conseillers indépendants ont aussi de plus en plus la cote. Le problème, c’est que les gens ne savent pas comment les dénicher. La plupart des conseillers sont encore rattachés aux grandes institutions financières.


Le courtage en ligne : petit guide pour l’investisseur autonome, Stéphane Desjardins, Les Éditions du Journal, 2019, 256 p.

Pierre-Luc Trudel