Quels actifs en cas de récession?

Par Nicolas Ritoux | 24 avril 2023 | Dernière mise à jour le 11 octobre 2023
5 minutes de lecture

Les infrastructures et l’immobilier locatif sont bien positionnés pour traverser la récession qui s’annonce, croit Larry Antonatos, gestionnaire de portefeuille à Brookfield Asset Management.

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« Une récession est de plus en plus probable. Pour contrer l’inflation qui reste obstinément élevée, les banques centrales ont resserré leurs politiques monétaires en haussant leurs taux et en réduisant leurs achats d’actifs. Or ces mesures ont pour effet de ralentir la croissance économique, et si elles se prolongent, de provoquer une récession. Le récent effondrement de la Silicon Valley Bank a poussé les régulateurs à réclamer aux institutions financières des états financiers plus solides, notamment en renforçant leurs exigences en matière d’emprunt. Tout cela accroît le risque d’une récession », constate Larry Antonatos.

Il note qu’en période de récession, les infrastructures s’avèrent plus défensives que l’immobilier locatif. En effet, ce dernier est soumis à la loi du marché, avec une offre qui dépend de l’optimisme des promoteurs et de la disponibilité du financement, une demande influencée par l’activité économique, et des prix liés aux négociations entre propriétaires et locataires ; tandis que dans les infrastructures, l’offre est déterminée par la réglementation, la concurrence est limitée, la demande est stable car peu sensible à l’activité économique, et les prix sont prévisibles puisqu’ils sont établis soit par des règlements, soit par des contrats à long terme.

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En comparaison à bien d’autres actifs, les infrastructures et l’immobilier locatif présentent une meilleure prévisibilité des revenus, et en cas de légère récession, cela devrait les faire surperformer par rapport aux secteurs cycliques. Mais en cas de profonde récession, ce sont les infrastructures, avec leur faible sensibilité à l’activité économique, qui performeront le mieux.

Au sein de chaque secteur, des sous-secteurs se distinguent, précise l’expert. Au sein de l’immobilier, la sensibilité à la croissance est inversement proportionnelle à la durée des baux, entre les hôtels où l’on dort une nuit, et de l’autre côté du spectre, les espaces industriels ou de bureaux. Au sein des infrastructures, cette sensibilité s’observe surtout dans les transports (aéroports, ports, routes à péage, services énergétiques intermédiaires), tandis qu’elle est faible dans les services d’utilité publique ou les télécommunications, où la demande reste stable.

« Nous nous attendons à une récession courte et légère, où les infrastructures et l’immobilier locatif pourront surperformer par rapport aux secteurs plus cycliques », affirme Larry Antonatos.

Dans l’immobilier, l’expert anticipe trois tendances à long terme. D’abord, il croit que le télétravail va devenir un complément plutôt qu’un remplacement du présentiel, car il offre de la flexibilité aux employés mais ceux-ci ont aussi besoin de collaborer, d’échanger et de partager une culture commune afin de produire de la croissance ; les plus jeunes en ont aussi besoin pour développer leurs compétences. Ensuite, la COVID-19 a pour effet de renverser la tendance à la densification dans les espaces de bureaux, qui sont passés de 425 pieds carrés par employé en 1990 à 225 en 2010, puis à 150 en 2020. Troisièmement, les grandes villes devraient continuer à attirer le talent ; l’urbanisation se poursuit depuis des siècles pour la simple raison que le commerce et la culture se multiplient en contexte urbain.

« Parmi les marchés d’espaces de bureaux, les plus grands vont demeurer importants, surtout pour les grandes sociétés, les entreprises orientées sur les transactions, et les services créatifs où la collaboration est essentielle. Toronto, New York et Londres resteront toujours importantes. Et puis, il y a la désirabilité du marché ; une meilleure qualité de vie, un meilleur climat, de meilleures écoles, un plus court voiturage ou des taxes faibles permettent à des petits marchés d’attirer suffisamment d’emplois pour atteindre une masse critique face aux marchés déjà établis. C’est le cas d’Austin, au Texas, ou de Nashville, au Tennessee. Enfin, il y a la qualité des propriétés ; dans chaque marché, celles de plus haute qualité vont gagner le plus en valeur, car les employeurs vont rivaliser pour trouver les espaces de travail les plus confortables et stimulants pour attirer du talent. À notre point de vue, les bureaux de première qualité situés dans les principaux marchés vont s’avérer résilients malgré un lent retour des télétravailleurs », dit Larry Antonatos.

« Du côté des espaces de détail, la hausse continue du commerce électronique entraîne une chute permanente de la demande, mais particulièrement dans le milieu du marché. Les détaillants de haute qualité vont au contraire prospérer, car ils réalisent davantage de ventes par pied carré dans des zones de population dense à haut revenu. Il se produit un cercle vertueux où la haute productivité attire les détaillants, les restaurants et autres services expérientiels de la plus haute qualité. À l’autre bout du spectre, on trouve le commerce de convenance, comme les épiceries et les pharmacies, qui va aussi demeurer fort car les gens en ont besoin. Ce sont plutôt les propriétés du milieu du marché qui souffrent. Beaucoup se sont déjà reconverties en multi-résidentiel ou en espaces d’entrepôts », note l’expert.

Du côté des infrastructures, le contexte de ralentissement de la croissance en fait des actifs défensifs, selon lui.

« Les services d’utilité publique, notamment, présentent de belles occasions d’investissement, car dans ce secteur, la croissance de l’offre et la concurrence sont souvent réglementés, et la demande d’électricité, de gaz naturel ou d’eau reste toujours stable avec peu de sensibilité à l’activité économique, même en cas de récession. Quant aux prix, ils sont souvent prévisibles car établis par des règlements ou des contrats à long terme, souvent indexés à l’inflation. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.