Retrait admissible CELIAPP ou création de droits REER en 2024 ?

Par Charles Hunter-Villeneuve  et  Institut de planification financière (IQPF) | 8 avril 2024 | Dernière mise à jour le 10 avril 2024
6 minutes de lecture
Marque de signalisation blanche divisée sur l’asphalte avec 3 tirelires de couleurs différentes allant dans différentes directions. Illustration du concept de sélection de titres et de produits d’investissement variés
Dragon Claws / iStock

Le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) est offert depuis l’an passé à travers les institutions financières. Dans cet article paru l’an passé, je vous présentais une stratégie par rapport au CELIAPP qui n’était peut-être pas prévue lors de son instauration. En effet, dans certaines situations, il était rentable de ne pas retirer volontairement 8 000 $ de CELIAPP en 2023 afin de se créer des droits REER. Voyons maintenant la même stratégie pour le même cas fictif, mais appliquée à 2024. Est-ce que cela pourrait toujours être rentable, mais pour un montant de 16 000 $ ? Notez que l’article de l’an passé est toujours pertinent dans certaines situations, par exemple pour quelqu’un qui ouvre son CELIAPP cette année pour y déposer 8 000 $ et prévoit acheter également cette année.

Rappelons qu’une personne admissible au CELIAPP peut cotiser jusqu’à 16 000 $ en 2024 si elle a ouvert un CELIAPP en 2023. Les cotisations sont déductibles du revenu (comme le REER), le placement croît à l’abri de l’impôt, puis en cas de retrait admissible, ce dernier est libre d’impôt. On se rappelle également que parmi les dates de fermeture du CELIAPP, il y avait le 31 décembre de l’année qui suit l’année d’un premier retrait admissible du CELIAPP. Il faut donc un retrait pour entraîner la fermeture du compte. Une personne qui cotise à son CELIAPP et achète une propriété n’aura pas à fermer son CELIAPP si elle ne fait pas de retrait. Pour sa mise de fonds, elle pourrait utiliser d’autres options comme le Régime d’accession à la propriété (RAP), des dons en argent, son CELI, etc.

Si cette personne décide de procéder de la sorte, entre 2025 et 2027 inclusivement, elle continuera de pouvoir cotiser 8000$ par an à son CELIAPP tout en bénéficiant de sa déduction fiscale (qu’elle peut même choisir de reporter à une année ultérieure). Notez que les cotisations sont limitées à 40 000 $ à vie. Après 15 ans, elle pourrait transférer le solde de son CELIAPP vers un REER et ainsi reporter l’impôt à payer sur le retrait. Le choix de ne pas retirer son dépôt de 16 000$ de son CELIAPP pour son achat en 2024 créerait indirectement de « nouveaux droits REER ». Bien que la personne bénéficie d’une déduction fiscale sur ce montant, elle ne pourra évidemment pas le retirer net d’impôt pour acheter sa propriété, puisqu’elle a choisi de ne pas faire de retrait admissible de son CELIAPP. La somme se transformera plutôt en un futur retrait de 16 000 $ de son REER, imposable comme un REER (à moins qu’elle ne se qualifie à nouveau pour le CELIAPP avant son échéance).

Cette stratégie peut-elle être avantageuse pour un montant de 16 000 $ en 2024, comme elle l’était pour 8000 $ en 2023 dans certaines situations ? Pour le déterminer, réutilisons l’exemple d’une personne achetant une première propriété et disposant d’une capacité d’épargne annuelle de 8 000 $. Elle a cotisé 8000 $ à son CELIAPP en 2023 et en 2024, et achète une maison en 2024 grevée d’une hypothèque de 300 000 $ amortie sur 25 ans.

Nous avons les deux options suivantes :

Option 1 : Retirer la somme de 16 000 $ net du CELIAPP lors de l’acquisition de la propriété en 2024, et ainsi diminuer la valeur de l’hypothèque à 284 000 $. Puis, épargner 8000 $ par an dans un véhicule non enregistré de 2025 à 2027 inclusivement et laisser ce solde fructifier jusqu’à la fin de l’hypothèque.

Option 2 : Conserver le montant de 16 000 $ brut dans le CELIAPP et laisser le solde hypothécaire inchangé à 300 000 $. Pour les années 2025 à 2027 inclusivement, l’épargne annuelle de 8 000 $ sera investie dans le CELIAPP. Nous présumons que l’économie d’impôt reliée au CELIAPP de 2025 à 2027 sera investie dans des placements non enregistrés. Après 15 ans, le CELIAPP sera converti en REER, créant ainsi de « nouveaux droits REER ». Bien sûr, il faut que la personne puisse se permettre de ne pas retirer le montant de 16 000 $ net supplémentaire pour sa mise de fonds et ait la capacité d’épargne pour investir 8 000 $ dans son CELIAPP de 2025 à 2027.

Nous supposons également que les paiements hypothécaires sont identiques pour les deux options. Toutefois, puisqu’avec l’option 1 le solde hypothécaire initial est moins élevé, le prêt sera remboursé plus rapidement qu’avec l’option 2. Une fois le prêt hypothécaire remboursé, les sommes qui étaient consacrées aux paiements sont redirigées en épargne non enregistrée.

Nous comparons les deux options avec du non enregistré, car peu importe l’option choisie, la personne a les mêmes droits REER et CELI au départ et de 2025 à 2027. Nous aurions pu utiliser le CELI pour cette comparaison, mais les droits dépendent de l’année où la personne atteint ses 18 ans. Également, nous présumons que la personne qui serait en mesure de se passer de 16 000 $ pour sa mise de fonds peut maximiser son CELI de toute façon, qu’elle choisisse l’option 1 ou l’option 2.

Comme dans l’article de l’an dernier, les deux options pouvaient se décliner selon les mêmes quatre variables (taux hypothécaire : 4 % ou 5 %, taux de rendement du placement : 4 % ou 5 %, TEMI de la déduction et TEMI du retrait : 40 % ou 50 %) avec 16 scénarios possibles à analyser.

Avec le montant maximal possible dans un CELIAPP l’an passé de 8 000 $, sur les 16 combinaisons possibles, l’option 1 gagnait dans la moitié des cas et pour l’autre moitié, c’était l’option 2.

En 2024, avec le montant possible de 16 000 $, il n’y a qu’une seule combinaison où l’option de créer des droits REER est plus avantageuse, soit lorsque le taux de rendement du placement REER est plus élevé que le taux hypothécaire, et que le TEMI à la cotisation est supérieur au TEMI lors du retrait. En bref, ce que l’on pourrait appeler le « scénario idéal ». Je l’appelle ainsi, mais de façon générale, c’est ce scénario dans lequel les gens devraient être s’ils sont bien conseillés, à savoir un taux de rendement espéré dans leurs placements supérieur à leur coût d’emprunt et une cotisation REER déduite à un TEMI supérieur qu’au TEMI lors du retrait. Ce scénario gagnait aussi en 2023, évidemment, mais de façon plus significative.

Jusqu’à quel montant cette stratégie pourrait être avantageuse selon ce scénario dit idéal? Si on se projette à l’an prochain, mais en utilisant un montant de 24 000 $ pour le CELIAPP, l’option de créer des droits REER devient nettement désavantageuse.

Alors, je me suis dit qu’il y avait peut-être un montant entre 16 000 $ et 24 000 $ qui serait toujours rentable en 2025 dans ce même scénario. Cependant, même avec un montant de 17 000 $, l’option de créer des droits REER ne surpasse pas l’option de retirer de son CELIAPP pour bonifier sa mise de fonds.

En résumé, voici les fenêtres d’opportunité permettant d’obtenir une rentabilité accrue via la création de droits REER avec le CELIAPP selon les variables étudiées pour une personne maximisant son CELIAPP depuis 2023 :

  • Dans la moitié des scénarios analysés, lorsque le montant dans le CELIAPP est de 8 000 $ et que l’achat de la propriété se fait la même année.
  • Dans le scénario idéal, lorsque le montant du CELIAPP est de 16 000 $ et que l’achat se fait lors de l’année suivante.
  • Si la personne prévoit acheter l’an prochain (après 2 années de cotisations maximisées dans le CELIAPP), l’option de retirer du CELIAPP risque d’être meilleure que de se créer des droits REER.

Encore une fois, cela reste donc du cas par cas, et il existe évidemment plusieurs autres combinaisons possibles.  

Si vous comptez parmi votre clientèle des acheteurs ou acheteuses admissibles au CELIAPP, peut-être pourriez-vous explorer avec eux l’option d’ouvrir leur compte sans pour autant effectuer de retrait lors de l’achat?

par Charles Hunter-Villeneuve, M. Fisc., Pl. Fin., TEP

Abonnez-vous à nos infolettres

Charles Hunter-Villeneuve

Planificateur financier, Expert-conseil, Centre d’expertise, Banque nationale Gestion privée 1859

Institut de planification financière (IQPF)