Transparence salariale : son absence fragilise le lien d’emploi

Par La Presse Canadienne | 18 octobre 2023 | Dernière mise à jour le 17 octobre 2023
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Photo : Andriy Popov / 123RF

Démission ou désintérêt pour une offre, la perception d’un manque de transparence salariale fragilise le lien d’emploi beaucoup plus souvent que ne le croient les employeurs.

Un quart des travailleurs se sont déjà retirés d’un processus d’embauche en raison d’un manque de transparence au sujet de la rémunération, selon un sondage commandé par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Presque autant de répondants (23 %) ont quitté un d’emploi pour la même raison.

Les employeurs semblent toutefois sous-estimer les attentes des travailleurs à cet égard, constate la directrice générale de l’Ordre, Manon Poirier, en conférence de presse, jeudi, en marge d’une présentation destinée à ses membres.

Pourtant, 14 % des organisations estiment avoir perdu un employé pour cette raison. Seulement 10 % croient qu’un candidat s’est défilé pour les mêmes raisons.

Manon Poirier affirme avoir été surprise par l’écart entre les réponses des travailleurs et des employeurs. « Je pense que beaucoup d’organisations sous-estiment l’impact de ce manque de transparence là. »

Le temps est venu pour les employeurs d’entamer une réflexion quant à leur politique sur la transparence salariale, plaide-t-elle. Bien faite, la transparence salariale a l’avantage de faciliter la rétention et l’attraction des employés dans un contexte de rareté de main-d’œuvre. Elle permet aussi de s’assurer que les pratiques de rémunération sont alignées avec les objectifs d’inclusion et d’équité, notamment en ce qui concerne la rémunération des femmes.

Il y a plusieurs manières d’être transparent, nuance Manon Poirier. Parfois, l’expérience d’entreprises qui ont choisi de dévoiler le salaire de chaque employé fait l’objet d’une mention dans les médias. Les employeurs n’ont toutefois pas à aller aussi loin pour être transparents.

« Ça ne veut pas dire que je vais vous révéler aujourd’hui ce qu’un collègue gagne comme salaire, mais d’amener un peu les informations: « comment on construit les échelles salariales? », « quelles sont-elles? » et « qu’est-ce qui fait qu’on change d’échelles? »

Les jeunes travailleurs sont d’ailleurs plus susceptibles de prendre en considération la transparence salariale. En fait, 34 % des 18 à 34 ans se sont retirés d’un processus d’embauche en raison de la perception d’un manque de transparence.

« Des gens qui arrivent sur le marché du travail ont plus de pouvoir de négociation maintenant à cause de la pénurie que certains d’entre nous qui avons commencé leur carrière à un autre moment », souligne-t-elle.

UN CONTEXTE JURIDIQUE QUI CHANGE

Outre les employés, les gouvernements sont, eux aussi, sensibles à cet enjeu. Des gouvernements locaux aux États-Unis et des provinces canadiennes comme la Colombie-Britannique ont légiféré pour forcer les employeurs à dévoiler plus d’information sur leurs pratiques de rémunération.

L’objectif derrière cette intervention est justement de favoriser l’équité salariale entre les hommes et les femmes ainsi que d’éviter la discrimination systémique entre les employés.

En 2022, le taux horaire des Québécoises équivalait à 90 % à celui des hommes, selon des données de l’Institut de la statistique du Québec.

Pour le moment, Québec ne semble pas avoir donné d’indications selon lesquelles le gouvernement allait suivre l’exemple de la Colombie-Britannique. Mme Poirier souligne toutefois que le Québec a souvent agi en tant que « précurseur » en matière du droit du travail. « Le gouvernement québécois en matière de travail essaie de ne pas trop traîner de la patte. »

Manon Poirier recommande aux employeurs de ne pas attendre une possible loi avant d’agir. La valorisation de la transparence salariale est une tendance qui n’est pas prête de s’essouffler dans le marché du travail, que les lois suivent ou non. « Puis l’idée, c’est de ne pas attendre nécessairement qu’il y ait un cadre législatif, parce que ce sont de bonnes pratiques, parce que ce sont des attentes (des employés). »

Il est important de bien se préparer avant d’accroître sa transparence, prévient-elle. Ces changements nécessiteront une bonne communication aux employés et certains employeurs ne sont pas prêts à partager ces informations. Dans ce cas, un virage trop rapide peut faire « des dommages », si la politique de rémunération n’est pas bien comprise. « Notre intention, c’est d’amener les organisations à embrasser la transparence, mais de le faire de façon avisée, étape par étape. »

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