Le travail pro bono peut s’avérer payant à long terme

Par Allan Janssen | 21 mars 2024 | Dernière mise à jour le 21 mars 2024
5 minutes de lecture
Portrait d'une jeune femme indienne, cliente ou candidate, assise à une table, discutant avec un cadre supérieur masculin et souriant dans un bureau. Entretien d'embauche ou concept de conseil
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Au plus fort de la fermeture émanant des mesures imposées par la gestion de la pandémie de COVID-19, le planificateur financier David O’Leary, fondateur et directeur de la société torontoise Kind Wealth, a reçu un appel d’une chef d’entreprise qui avait besoin d’aide.

Plus précisément, elle avait besoin d’une aide gratuite. Elle avait hypothéqué sa maison pour investir dans son entreprise. Mais lorsque la COVID-19 a frappé, tout a commencé à s’effondrer.

David O’Leary lui a donc offert ses conseils financiers à titre gracieux.

« Elle voyait bien qu’elle n’avait pas les moyens de poursuivre son activité, explique-t-il. Nous avons eu une conversation assez saine sur ce qu’elle pouvait faire. Pouvait-elle réduire ses pertes ? À quoi cela ressemblerait-il ? Qu’est-ce qu’un dépôt de bilan ? »

En fin de compte, ces conversations lui ont apporté clarté et réconfort.

« Le simple fait d’avoir quelqu’un à qui parler et de se décharger de tous ses soucis financiers s’est avéré être une expérience très précieuse pour elle », ajoute-t-il.

David O’Leary a reçu cet appel parce qu’il avait fait savoir – sur les médias sociaux et lors d’entretiens avec les médias traditionnels – qu’il était prêt à donner de son temps pour aider les Canadiens vulnérables et dans le besoin à trouver une sécurité financière. La réponse est venue non seulement de clients potentiels, mais aussi d’autres planificateurs financiers.

« Des gens m’ont contacté, des collègues de l’industrie, qui voulaient faire la même chose, rapporte-t-il. Nous étions 15 ou 20. Nous avons créé un site web où les gens pouvaient remplir un formulaire et parler des difficultés qu’ils rencontraient. »

Ces conseillers ne sont pas les seuls à vouloir mettre des conseils financiers à la disposition des Canadiens dans le besoin. Le Conseil des normes en planification financière (FPAC) reçoit chaque mois de 10 à 20 demandes de services pro bono par l’intermédiaire de son formulaire d’admission en ligne.

La Fondation canadienne pour la Planification Financière (FCPF) est en train de mettre en place ses propres services pro bono. Stephen Faul, directeur exécutif par intérim, a déclaré que la FCPF organisera des séminaires gratuits animés par des planificateurs financiers, proposera une série d’outils et de ressources en ligne gratuits et coordonnera des consultations individuelles avec des planificateurs financiers offrant leurs services à titre gracieux.

« Nous sommes actuellement à la recherche de sources de soutien supplémentaires pour nous aider à concrétiser notre vision, affirme Stephen Faul. Je suis très enthousiaste à l’idée de ce que la fondation va faire. Je considère qu’elle contribuera à changer des vies grâce au pouvoir de la planification financière. »

Brett Martinson, planificateur financier chez Parallel Wealth Financial Group à Langley, en Colombie-Britannique, et président du comité pro bono du FPAC, estime que les services pro bono sont nécessaires parce que le secteur des conseils financiers a été conçu principalement pour les clients fortunés.

« Parce qu’il s’agit d’un produit sur mesure, on ne peut pas le produire en masse. Il n’y a pas les mêmes économies d’échelle, avance Brett Martinson. Cela signifie que ce sont les plus riches qui ont le plus accès à ces services, car ils peuvent se le permettre. Mais les Canadiens à faible revenu ont eux aussi un grand besoin, et les défis qu’ils doivent relever sont différents. »

Selon Brett Martinson, la plupart des clients ont besoin de conseils simples sur des concepts financiers de base ou d’une planification plus approfondie en raison d’une situation évolutive ou d’un changement de vie récent. Dans tous les cas, le travail pro bono doit commencer par un engagement fiduciaire de la part du planificateur.

« La loi ne vous oblige pas à être fiduciaire. Cependant, si vous avez le titre de CFP, la première exigence est que vous fassiez ce qui est bon pour le client, que vous soyez payé ou non », rappelle-t-il.

David O’Leary reconnaît que le fait d’assumer une responsabilité fiduciaire a un sens moral.

« Le conseiller a-t-il le devoir de faire passer en premier l’intérêt de ses clients, que ceux-ci paient ou non ? Je réponds largement par l’affirmative, assure-t-il. Et je pense que c’est également le cas de la profession. »

Le temps consacré au travail pro bono varie d’un client à l’autre, mais il n’est pas nécessairement onéreux, assure Brett Martinson.

« Nos bénévoles consacrent de 45 minutes par mois à quelques heures par semaine. Il peut s’agir d’un séminaire mensuel, de travailler avec plusieurs clients à la fois, ou encore de travailler avec un seul client pendant plusieurs mois afin d’élaborer un plan financier complet », rapporte Brett Martinson.

Pour les séances individuelles, une lettre d’engagement est un élément clé du processus, précise-t-il.

« Les personnes vulnérables peuvent être réticentes à signer quelque chose, mais une lettre d’engagement qui fixe les attentes est une base importante pour le client et le planificateur », souligne-t-il.

Il n’y a guère de différence entre une lettre d’engagement destinée à des clients payants et une autre destinée à des clients rencontrés à titre gracieux, si ce n’est que cette dernière ne mentionne pas les honoraires. Pour éviter toute perception d’intérêt personnel, le FPAC insiste sur le fait qu’un planificateur ne peut pas solliciter un client si sa situation s’améliore au point qu’il puisse se permettre de payer pour des conseils.

« Nous indiquons clairement que lorsqu’un planificateur financier entame une relation pro bono, peu importe si le client gagne un million de dollars à la loterie, ce planificateur ne poursuivra pas une relation payante avec ce même client », dit Brett Martinson.

David O’Leary qualifie ses lettres d’engagement d’« accords de collaboration » afin de préparer le terrain pour une relation fructueuse.

« Le client doit participer au processus. Il doit partager des informations. Il doit vous parler de ses espoirs, de ses objectifs et de ses rêves, explique David O’Leary. S’il n’est pas en mesure de le faire ou s’il n’est pas prêt à le faire, il ne doit pas s’engager dans cette voie avec nous. »

En fin de compte, précise-t-il, l’élimination de la rémunération dans l’équation ouvre la porte à de nombreux Canadiens qui, autrement, ne pourraient pas obtenir les conseils financiers dont ils ont désespérément besoin. Le planificateur en retire également des avantages intangibles.

« Personnellement, je crois que le fait de bien traiter les gens et de faire ce qu’il faut est payant à long terme. Je me sens mieux de toutes sortes de façons, et pas seulement sur le plan financier, assure David O’Leary. Je veux faire du bon travail pour des gens qui en ont besoin. »

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Allan Janssen