Les femmes doivent s’occuper de leurs affaires

Par Sylvie Lemieux | 5 juillet 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo portrait de Sophie Paquet.
Crédit : Jean-François Lajoie

Un de nos récents articles rapportant que 82 % des femmes s’en remettent à leur conjoint pour les décisions financières a vivement fait réagir Sophie Paquet.

« C’est désolant de constater que la statistique perdure même en 2021 », affirme la conseillère en placement et gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale (FBN), qui, dans la foulée, a décidé de publier un article sur LinkedIn.

Celle qui a récemment été nommée « Conseillère la plus engagée de l’année » du concours Les conseillers à l’honneur! y invite les femmes à « mettre davantage le nez dans leurs affaires » en même temps qu’elle lance un appel aux hommes. « Je les encourage à impliquer leur conjointe dans les décisions financières. Tout le monde en sortira gagnant », affirme-t-elle.

Elle le constate elle-même dans sa pratique, trop souvent les femmes cèdent la gestion de leurs finances à leur conjoint par manque de confiance. « Elles sous-estiment leurs connaissances en matière d’investissement, soutient-elle. Or, ce n’est jamais une bonne idée de laisser à quelqu’un d’autre la gestion de nos finances. »

Dans son article, elle identifie plusieurs raisons qui devraient inciter davantage les femmes à prendre le contrôle de leur avenir financier.

ÊTRE MIEUX PRÉPARÉES EN CAS D’ADVERSITÉ

Elle cite une étude de Franklin Templeton, qui révèle que 90 % des femmes devront éventuellement prendre seules leurs décisions en raison d’un divorce ou d’une séparation. Sans compter qu’en raison de leur espérance de vie supérieure, elles sont aussi plus susceptibles de survivre à leur conjoint.

« Je le vois dans ma pratique, plusieurs femmes héritent deux fois dans leur vie, d’abord de leurs parents puis de leur conjoint, explique Sophie Paquet. Dans ces moments difficiles, d’avoir en plus à prendre la charge de leurs finances peut leur faire vivre beaucoup d’insécurité. En s’intéressant à leurs propres finances, elles se retrouveront moins en situation de vulnérabilité. »

Un autre aspect à prendre en considération : l’écart salarial entre les hommes et les femmes qui demeure, celles-ci gagnant 13 % de moins que leurs collègues masculins. Résultat : l’épargne retraite des femmes est de 30 % inférieure selon une étude de Mercer. « En plus de gagner moins, elles font plus de pauses durant leur carrière. Il faut en tenir compte dans la planification financière », soutient Mme Paquet.

Non seulement elles ont moins à investir, mais en plus elles négligent de faire fructifier leur argent autant qu’elles le pourraient. « Elles ont trop souvent tendance à laisser plus d’argent dormir dans leur compte de banque ou à choisir des placements prudents, souligne la gestionnaire de portefeuille. Cela peut représenter un écart de plusieurs centaines de milliers de dollars en moins dans leur portefeuille d’investissement. »

GAGNER EN CONFIANCE

Ce manque de confiance envers leurs capacités à gérer leurs avoirs n’a pas sa raison d’être, martèle Sophie Paquet. « Les femmes ont de bons réflexes d’investissement. Elles réagissent moins que les hommes aux fluctuations des marchés et elles ont une vision à long terme. Elles devraient se faire davantage confiance. »

« La gestion de ses finances, c’est à la portée de tous, ajoute-t-elle. Il faut commencer à apprivoiser la chose, poser des questions, ouvrir ses relevés d’investissement. Plus ces gestes deviennent familiers, plus cela devient facile. »

Les conseillers ont un rôle à jouer pour favoriser l’éducation financière de leurs clients et plus spécifiquement de leurs clientes. Les conjoints ont aussi leur part de travail à faire. « Ils ont tout à gagner à impliquer leur conjointe dans les décisions financières du couple. Ils peuvent l’aider à atteindre le plein potentiel de ses finances. »

Malgré les lents progrès, Sophie Paquet reste optimiste. « C’est en posant de petites actions qu’on va arriver à provoquer le changement. Il y a une prise de conscience qui se fait actuellement autant chez les hommes que chez les femmes. C’est aussi en montrant l’exemple qu’on va accélérer les choses. Plus les filles vont voir leur mère s’intéresser aux questions financières, plus elles vont avoir envie de suivre leurs traces. » Cela vaut aussi pour les garçons.

Prioriser ses finances, c’est également gagner en pouvoir. « En améliorant leur situation financière, les femmes se donnent alors la liberté de choisir, que ce soit de se lancer en affaires, de trouver un emploi qui leur convient mieux ou tout autre projet qui leur tient à cœur. »

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Sylvie Lemieux

Sylvie Lemieux est journaliste pour Finance et Investissement et Conseiller.ca. Auparavant, elle a notamment écrit pour Les Affaires.