Gérer le risque de longévité

Par Institut de planification financière (IQPF)  et  David Truong | 18 mars 2024 | Dernière mise à jour le 15 mars 2024
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Un sablier dont l'ombre est un dollar.
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Le risque de longévité en planification financière est le risque qu’une personne vive plus longtemps que son épargne. D’ailleurs, les Normes d’hypothèses de projection de l’Institut de planification financière (IPF) et FP Canada suggèrent de faire une projection basée non pas sur l’espérance de vie, mais sur une probabilité de survie qui n’excède pas 25 % pour considérer l’augmentation de l’espérance de vie et le risque de longévité.

Au fil des années, les deux paliers gouvernementaux ont mis sur pied des comités consultatifs et des mesures fiscales pour aider les gens à mitiger ce risque. La majorité des mesures proposées permettent d’avoir des revenus stables plus élevés pendant longtemps, sans dépendre des épargnes accumulées. Voici les mesures les plus récentes.

REPORT DE LA RENTE DE RETRAITE DU RRQ À 72 ANS

Reporter la rente de retraite du Régime de rentes du Québec (RRQ) est la mesure la plus connue pour diminuer le risque de longévité. Lors de son introduction en 1966, la rente de retraite avait pour but de protéger les contribuables à la retraite en leur fournissant un revenu minimum jusqu’à leur décès. Le régime a évolué au fil du temps.

Un participant ou une participante peut reporter la rente de retraite qui suit son 65e anniversaire en échange d’une bonification du montant de sa rente par mois. La bonification a fait l’objet d’une augmentation en 2013, passant de 0,50 % par mois à 0,70 % par mois, et l’âge du report maximal est récemment passé de 70 ans à 72 ans. Par conséquent, la bonification totale pourrait être de 58,80 % à 72 ans si on a pleinement cotisé au régime.

Malheureusement, les plus récentes statistiques de Retraite Québec démontrent que moins de 1 % des demandes se font à l’âge de 70 ans. Une tendance évidemment à renverser…

REPORT DE LA PSV À 70 ANS ET BONIFICATION À 75 ANS

Dans le même ordre d’idée, depuis 2013 il est permis de reporter le début de la prestation de la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) jusqu’à un maximum de 60 mois. Pour chaque mois de report, la prestation est bonifiée de 0,60 %, permettant ainsi une bonification maximale de 36 %.

Contrairement à la rente du RRQ, la PSV peut être récupérable si le revenu du ou de la contribuable est trop élevé. Ainsi, il est tout à fait normal que l’on cherche à maximiser les prestations en la demandant à 65 ans plutôt qu’à 70 ans si les projections démontrent une récupération de la PSV à cause des retraits obligatoires des régimes enregistrés.

Du point de vue financier, le report de la PSV est généralement neutre considérant l’espérance de vie, mais il reste préférable de la reporter pour gérer le risque de longévité même s’il existe un potentiel de récupération. Si les épargnes sont épuisées, la PSV bonifiée sera versée. Pour ceux et celles qui ont accès au Supplément de revenu garanti (SRG), le report de la PSV entraîne aussi un report du SRG, mais celui-ci n’est pas bonifié.

En 2022, la PSV a été augmentée de 10 % pour les personnes âgées de 75 ans et plus. Ainsi, ceux et celles qui reportent la PSV à 70 ans verront une augmentation plus élevée à 75 ans, puisque la bonification est basée sur la prestation, et non le montant à 65 ans. Il s’agit d’un coussin supplémentaire pour diminuer le risque de longévité!

LA RENTE VIAGÈRE DIFFÉRÉE À UN ÂGE AVANCÉ

Introduite en 2019, la rente viagère différée à un âge avancé (RVDAA) est une rente viagère qui vise les biens enregistrés et dont le paiement doit commencer avant l’âge de 85 ans. Nous savons qu’une rente viagère peut améliorer significativement la viabilité à long terme du décaissement des actifs. Elle permet d’ailleurs de gérer le risque de longévité. L’avantage spécifique de la RVDAA est le report de l’imposition obligatoire des biens enregistrés à 71 ans. Il est permis d’y mettre jusqu’à 25 % de son épargne enregistrée, sans dépasser le plafond (170 000 $ en 2024).

Bien qu’il s’agisse d’un produit de rente, le principe général est qu’il est facile de gérer soi-même les premières années de retraits de son épargne-retraite en raison des bonnes probabilités de survie. Toutefois, pour les âges plus avancés où l’incertitude est apparente, un besoin de mutualisation des risques devient plus pertinent.

Tout comme la rente viagère individuelle, la RVDAA peut convenir à ceux et celles dont le coût de vie annuel est supérieur aux revenus viagers existants (PSV, RRQ et RPA PD). Le montant de la RVDAA ne devrait pas être démesuré, puisque le plafond pour ce type de produit ne peut pas dépasser 170 000 $. Elle devrait être suffisante pour couvrir une partie des besoins essentiels d’une personne à la retraite.

À ce jour, seul Desjardins offre la RVDAA. Toutefois, il est recommandé de reporter les prestations de retraite des régimes gouvernementaux avant de considérer d’acheter une rente viagère.

L’ÉVOLUTION DES RÉGIMES ENREGISTRÉS

Une meilleure gestion des épargnes permet de diminuer le risque de longévité. D’ailleurs, plusieurs spécialistes et organismes, dont l’Institut CD Howe, proposaient depuis longtemps d’éliminer les retraits minimums des régimes enregistrés pour éviter que les gens puisent inutilement dans leur capital de leur vivant. Par exemple, en 2015, le gouvernement a diminué les retraits minimaux obligatoires des FERR. Cela permet une plus longue conservation des actifs à la retraite et diminue le risque de longévité.

Nous ne connaissons pas l’avenir des régimes, mais le ministère des Finances a entrepris en 2023 une étude sur les FERR afin de déterminer si les hypothèses sous-jacentes concernant les taux de rendement, l’inflation et la longévité sont toujours appropriées. Plusieurs propositions ont été faites en juin dernier à la Chambre des communes. L’abolition des retraits minimum? Une exemption d’imposition lorsque le solde du FERR est minime? Une exemption de retrait total cumulatif?

Une chose certaine, c’est qu’on va voir de l’évolution à court terme dans ce dossier.

David Truong, CIWM, CPA, Pl. Fin., M. Fisc.

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David Truong

David Truong, CIWM, Pl. Fin., M. Fisc., est Président, Banque Nationale Planification et Avantages sociaux inc.