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Tiré de formations certifiant des UFC

La répartition d’actif en période de décaissement
Découvrez la méthode en cinq points du conseiller Jean Dupriez.

Voici la méthode que nous proposons pour structurer l’évolution de notre portefeuille de retraité. C’est une méthode en cinq points successifs.

 Définir nos objectifs et horizons de placement selon notre risque de longévité

  • Programmer les retraits
  • Établir de quelle section de notre portefeuille nous devrions retirer cette somme
  • Déterminer sur quels critères devraient se baser les rééquilibrages
  • Définir quand nous devrions rééquilibrer notre portefeuille de placement

Passons donc à l’explication détaillée.

Ce processus doit d’abord être effectué froidement, techniquement, sans pitié ni pour nos peurs ni pour notre rythme cardiaque. Par la suite, il faudra ajuster notre action à nos sentiments si souvent en contradiction avec notre intelligence.

Point #1

Des objectifs et des horizons de placement existent-ils toujours pour nous à la retraite?

Oui, évidemment! Mais ce que nous oublions souvent est de « repenser » notre risque de longévité. Craignons de vivre plus longtemps que nous n’osons l’espérer. Il serait utile d’approfondir ce point et d’effectuer un petit retour en arrière.

Jadis, notre objectif était : retraite d’une durée de cinq, dix ou peut-être même 15 ans. Nous avions surtout besoin de stabilité pour nos placements, car la retraite était courte et nous avons pris l’habitude de penser à court terme.

Jetons un coup d’œil à ce tableau de probabilités d’espérance de vie et d’horizon de placement publié par l’IQPF.

Notre objectif s’est maintenant dédoublé :

  • retraite immédiate et retraite future (court terme plus long terme)
  • stabilité et rentabilité, car notre horizon de placement s’est substantiellement allongé et peut dépasser 30 années de survie de retraité.

En effet, nous atteindrons probablement, selon les statistiques, l’âge respectable de 95 ou 100 ans, soit plus de trente années de retraite à venir et il faut que notre capital subsiste assez longtemps pour subvenir à nos besoins opérationnels (manger, dormir, etc.) immédiats et futurs jusqu’au dernier de nos jours.

Pour l’avenir, le long terme, il y a un exigeant besoin de rentabilité.

Pour l’immédiat, le court terme, il y a un tout aussi exigeant besoin de stabilité.

Point #2

Comment devrions-nous programmer nos retraits? Une ou plusieurs fois par mois (ou par an)? Avec liberté ou régularité?

À nous de définir cette fréquence de retraits selon nos besoins et nos possibilités financières.

D’une manière générale, un retrait mensuel de nos capitaux constitue la fréquence universelle, similaire à une prestation d’un régime de retraite que nous nous versons à nous-même. C’est donc la fréquence que nous utiliserons.

Point #3

De quelle section de notre portefeuille devrions-nous retirer cette somme?

De la partie stable ou de la partie fluctuante?

Développons notre idée. Pour cela, un petit rappel de la notion du « dollar cost averaging » ou « achats périodiques par sommes fixes » et de ses effets bénéfiques sera utile. Par analogie, nous prendrons conscience des effets pervers de la « vente périodique par sommes fixes ».

Exemple : 

Nos professeurs nous ont expliqué les avantages des « achats périodiques par sommes fixes » pour investir notre épargne mensuelle.

En effet, si nous investissons 100 $ par mois dans un fonds d’actions dont le prix varie chaque jour, nous acquerrons plus de parts lorsque la Bourse baisse, car les elles seront moins chères. Par contre, si nous encaissons 100 $ par mois à partir de ce même fonds d’actions, nous devrons, lorsque la Bourse baisse, revendre plus de parts puisque leur prix est moins élevé.

Certes, l’inverse peut être avantageux, MAIS l’élément « hasard quotidien » (l’incertitude quant aux résultats du marché) peut pousser certains à avoir peur et à prendre de mauvaises décisions, causées elles-mêmes par leurs ennemis intimes.

Cette méthode est justifiée et excellente pour la période d’accumulation, soit de 25 à 65-70 ans. Mais qu’en est-il après 70 ans, lorsque la période de décaissement débute ou a débuté et pourrait se prolonger plus longtemps que nous n’osons l’espérer, soit jusqu’à environ 100 ans?

À la retraite, cette méthode appliquée aux retraits mensuels produit des effets inverses et donc est parfaitement contreproductive et contraire à toute notion de rentabilité. Elle abrège notre survie financière et provoque un appauvrissement accéléré. L’élément « hasard », de quotidien qu’il était, devient trimestriel, semestriel ou même annuel.

Nous devrions donc retirer notre rente mensuelle de la partie STABLE et sans rendement, et non pas de la partie RENTABLE, mais fluctuante.

Point #4

Sur quels critères devraient se baser ces rééquilibrages?

Cela tient en une phrase :

Le succès de notre gestion financière à la retraite, c’est de séparer la régularité des retraits mensuels de l’irrégularité de la valeur de nos investissements en actions.

Un solide critère sur lequel baser nos rééquilibrages, c’est de le faire quand le résultat sera profitable pour nous. Pour cela, nous devons conserver une marge de liberté tactique et donc éviter tout mouvement rigide et préprogrammé.

Il est en effet possible que les Bourses performent « mal » au début de la retraite ou à d’autres moments. Cela pourrait causer un tort, peut-être substantiel, à notre portefeuille et donc à notre bien-être à long terme.

Cette liberté tactique nous sera donnée par la division de notre portefeuille en deux sous-portefeuilles : un sous-portefeuille « rente »  et un sous-portefeuille « croissance ». Le sous-portefeuille « rente » sera composé de placements très stables. C’est de celui-ci que nous retirerons des sommes selon nos besoins pour les déposer dans notre compte bancaire et les transformer petit à petit en épicerie, logement, vêtements, voyages, loisirs, etc.

Le sous-portefeuille « croissance » sera composé de placements à solides rendements (des actions), mais plutôt fluctuants, et servira à alimenter de temps à autre le sous-portefeuille « rente » d’un montant variable selon la fréquence et les besoins.

Combien devrions-nous placer dans ce portefeuille « rente »? Le moins possible, puisqu’il ne nous rapportera presqu’aucun rendement, mais suffisamment pour faire face à la prochaine dégringolade boursière. Calculons donc un montant qui corresponde à la durée que prennent les marchés pour récupérer à la suite d’une baisse.

« Après avoir connu des pertes importantes, les Bourses récupèrent leurs pertes dans les deux années subséquentes. »

Ce constat de Stephen Jarislowski nous incite à proposer que ce tampon « rente » soit l’équivalent de deux à trois années de retraits.

Si nos retraits planifiés et calculés sont de :

  • 3 000 $ par mois x 12 mois x 2 ans, le tampon sera 72 000 $.
  • 3 000 $ par mois x 12 mois x 3 ans, le tampon sera 108 000 $.

Le capital placé dans notre rente-tampon devrait donc osciller entre 72 000 $ et 108 000 $.

Ajoutons à la séparation du portefeuillele flux occasionnel et tactique provenant du sous-portefeuille croissance et regardons l’image 04.

Point #5

Quand devrions-nous « rééquilibrer » notre portefeuille de placement?

À chaque retrait ou autrement? Y a-t-il un lien entre retraits et rééquilibrage?

Fréquence : de temps à autre…

Que signifie ici « de temps à autre »? Il s’agit de moments indéterminés à l’avance, car ils appartiennent à l’avenir et l’avenir est, par définition, inconnu. Mais nous savons que l’avenir sera fluctuant.

Nous observerons donc l’avenir lorsqu’il devient le présent. Nous étudierons donc les fluctuations boursières pour effectuer ce rééquilibrage, par exemple, trois fois par an. C’est là la fréquence que nous avons utilisée durant des dizaines d’années pour effectuer la révision du portefeuille de nos clients.

Cette fréquence nous semble adéquate pour atteindre notre objectif de retraite.

Moment du rééquilibrage

En cas de baisse des marchés, la section « rente » nous permettra d’attendre que les Bourses remontent avant de vendre des actions (ou des fonds d’actions) en période déprimée.

La règle à appliquer ici est vieille comme le monde :

  • Lorsque les Bourses sont hautes, vendons quelques actions pour alimenter le sous-portefeuille « rente ».
  • Lorsque les Bourses sont basses, attendons quelque temps qu’elles remontent.

C’est cela, la liberté tactique dans une répartition stratégique.

L’origine du problème est la rigidité, prônée par beaucoup, de la répartition d’actif. Une fois décidée, nous ne pouvons plus y toucher!

Comment éviter ou corriger cette faiblesse de gestion?

Tout simple : séparons la gestion des retraits de la gestion des actifs, en créant une répartition (au moins un peu) flexible devant un avenir qui sera toujours inconnu.


Jean Dupriez, LL.L., DAE., Pl. Fin., est planificateur financier et membre de l’Association des MBA du Québec. Auteur de deux ouvrages, Le classement des documents personnels (2002) et Savoir choisir son conseiller financier (2010), il s’exprime régulièrement sur les enjeux de la profession dans son blogue sur Conseiller.ca.