Desjardins, une entreprise pas comme les autres?

Par La rédaction | 7 mars 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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À titre de coopérative et de principal employeur privé au Québec, Desjardins n’est pas une entreprise comme les autres, estime le journaliste économique Gérald Fillion. Ce qui comporte pour elle certaines obligations…

Est-ce que la coopérative « manque à ses obligations et engagements envers la communauté en fermant des caisses, en centralisant leur administration et en retirant des guichets automatiques? » Est-ce qu’elle « s’éloigne et se désengage face aux économies des petites localités? » demande le chroniqueur, dans une analyse publiée mardi sur le site de Radio-Canada.

Pour aller au fond du débat, il va jusqu’à se demander si le Mouvement a ou non « le devoir de maintenir une présence dans de petites communautés afin d’en assurer la vitalité, même si la rentabilité est faible ou absente ». Autrement dit, résume-t-il, « qu’est-ce qu’on attend de Desjardins? »

« DESJARDINS S’EST BÂTI GRÂCE AUX QUÉBÉCOIS »

Pour commencer, M. Fillion rappelle que le Mouvement est « partout sur le territoire » et qu’il « fait partie des racines économiques et entrepreneuriales des régions ». Selon lui, le fait d’être une coopérative implique que son intérêt premier doit être « l’épanouissement de la collectivité, du groupe, des membres, des citoyens, des travailleurs, du milieu de vie ».

Même si Desjardins est désormais la plus importante institution financière de la province, ses valeurs coopératives ne changent pas et « demeurent fondamentalement tournées vers la communauté », insiste Gérald Fillion. Pour appuyer son propos, il évoque le site web de la coopérative, où il est notamment question de « l’argent au service du développement humain », d’« engagement personnel », d’« action démocratique », de « solidarité avec le milieu » et d’« intercoopération ».

S’il n’apporte pas de réponse à son interrogation initiale, Gérald Fillion estime que ces questions sont d’autant plus importantes que le Mouvement « s’est bâti grâce aux Québécois et est aujourd’hui une institution financière solide, forte, bien capitalisée, qui vient d’annoncer les meilleurs résultats de son histoire ». Et il met en parallèle la colère de plusieurs élus locaux et le discours « technique » de la haute direction du groupe, qui invoque la concurrence et le virage technologique en cours, dû notamment à une demande croissante des membres d’avoir accès à des services numériques. Une attitude que déplorait récemment, dans un autre registre, l’écrivain et professeur Samuel Archibald, auteur d’une lettre ouverte dans laquelle il s’insurgeait contre les « attitudes harcelantes » de Desjardins Assurances.

« Desjardins a de bonnes raisons de vouloir être plus efficace et plus rentable afin de respecter ses engagements internationaux en tant qu’institution financière et pour contribuer davantage à la collectivité sous forme de dons et de ristournes », admet le chroniqueur. Mais du même souffle, il ajoute que « puisque Desjardins est une coopérative, nous devons nous éloigner de l’intérêt personnel d’une part et de l’intérêt financier corporatif d’autre part ».

QUELLES RESPONSABILITÉS ENVERS LA COLLECTIVITÉ?

La dimension collective et communautaire est primordiale lorsqu’on parle d’une coopérative, souligne Gérald Fillion. « On comprend que l’institution financière estime que son virage numérique la rapproche de ses membres et rend ses services plus accessibles aux citoyens et aux entreprises. Peut-être. Mais le retrait de services physiques pousse les consommateurs à se déplacer vers d’autres localités, au détriment des villes et villages qui n’ont plus de caisse et qui n’ont plus de guichets automatiques ». Pour lui, il s’agit ni plus ni moins que d’une perte économique pour une localité.

Une situation que dénoncent depuis quelques mois plusieurs élus régionaux qui veulent empêcher la fermetures de guichets automatiques et de comptoirs Desjardins dans des villages, notamment dans l’Outaouais, le Bas-Saint-Laurent, les Bois-Francs et Chaudière-Appalaches, où deux municipalités se sont même dites prêtes à payer pour un guichet automatique et son entretien. Les maires de Saint-Roch-des-Aulnaies et de Sainte-Louise ont ainsi proposé au Mouvement de l’« aider » sous plusieurs formes, par exemple en mobilisant la population pour faire augmenter le nombre de ses membres sur le plan local, ou encore en organisant des « soupers méchoui ».

De son côté, la Fédération québécoise des municipalités a demandé à Desjardins d’explorer des solutions de rechange, comme le maintien d’un guichet à l’hôtel de ville, avec la possibilité d’un « partage » d’employés entre la municipalité et le Mouvement. Autant d’efforts et de propositions qui font dire à Gérald Fillion que le temps est peut-être venu pour l’institution financière « d’engager une discussion avec les Québécois sur ses objectifs, ses obligations et ses responsabilités » envers la collectivité.

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