La Caisse de dépôt se défend d’abuser des paradis fiscaux

Par La rédaction | 3 mai 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Rabrouée pour avoir augmenté son utilisation des paradis fiscaux dans les dernières années, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) s’est défendue mardi d’en abuser.

« Nous cherchons à protéger et faire fructifier les fonds des Québécois en respectant l’esprit et la lettre des lois fiscales applicables », a-t-elle soutenu dans un communiqué.

L’organisme d’État réagissait ainsi à des informations publiées le jour même dans le Journal de Montréal, d’après lesquelles elle a presque doublé la valeur de ses placements dans les paradis fiscaux depuis 2013.

Rappelant qu’à titre de caisse de retraite publique, elle ne paie pas d’impôts au Québec ni au Canada, la Caisse indique tout d’abord que ses revenus de placement sont imposés lorsque les retraités reçoivent leurs prestations. « À ce titre, le régime applicable est similaire à celui des régimes enregistrés d’épargne-retraite, où les contributions et les revenus de placement sont exempts d’impôt, mais où les retraits sont imposables », explique-t-elle.

« ÉVITER QUE LES QUÉBÉCOIS SOIENT DOUBLEMENT IMPOSÉS »

Et puisque les retraités sont taxés au moment du versement de leurs prestations, toute imposition des revenus de placement de la Caisse constituerait une forme de double imposition de leur épargne-retraite, ce qui réduirait la valeur des prestations, ajoute la CDPQ. « Cette double imposition est inéquitable pour les retraités québécois. Pour cette raison, la Caisse cherche à la limiter le plus possible », justifie-t-elle.

« En tout temps, nous respectons les lois et les règles fiscales de tous les pays dans lesquels nous investissons. Notre objectif est simple : éviter que l’argent des Québécois soit doublement imposé – une fois à l’étranger, une fois au Québec, ce qui serait tout à fait inéquitable », résume Maarika Paul, première vice-présidente et chef de la direction financière à la Caisse.

La Caisse soutient que « dans la majorité des cas », elle ne tire « aucun bénéfice fiscal de l’utilisation des juridictions à fiscalité réduite, parce que ses investissements seraient exemptés d’impôt de toute façon ». Et lorsque cela se produit, ces juridictions sont choisies « pour des raisons d’affaires légitimes, telles que la simplicité du cadre législatif pour la mise en commun de capitaux internationaux, l’accès à des gestionnaires spécialisés et les frais de gestion inférieurs qui résultent de la mise en commun de capitaux provenant de partout dans le monde », assure-t-elle.

Finalement, la Caisse affirme « ne pas être insensible à l’utilisation abusive des juridictions à fiscalité réduite ». Et elle en profite pour réitérer son appui à « l’esprit et la lettre des initiatives internationales en cours », notamment le projet d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS) de l’Organisation de coopération et de développement économiques, destinées à limiter le recours à ce type de juridictions.

PLACEMENTS AU SOLEIL

Dans son édition de mardi, le Journal de Montréal rapportait que les placements de la CDPQ dans les paradis fiscaux atteignaient plus de 26,2 milliards de dollars en 2016, comparativement à 14,8 G$ en 2013. L’an dernier, elle avait ainsi des intérêts de 14 G$ aux îles Caïmans, 3,3 G$ en Suisse et 2,5 G$ aux Bermudes, entre autres. Alors que la valeur de ses placements aux îles Vierges britanniques était de 200 M$ en 2013, ce montant avait presque quintuplé trois ans plus tard, pour s’établir à près d’un milliard de dollars.

La Caisse a été forcée de dévoiler la liste de ses placements dans des compagnies enregistrées dans des paradis fiscaux à la suite d’une question posée par le Parti québécois à l’Assemblée nationale, explique le Journal. Il souligne que l’organisme d’État « investissait à grande vitesse dans des pays à la fiscalité complaisante » alors même que des parlementaires québécois de tous les partis étaient en train de rédiger un rapport critiquant justement cette pratique, qui prive chaque année les différents paliers de gouvernement au pays de plusieurs milliards de dollars de revenus.

« UNE SITUATION AHURISSANTE ET INACCEPTABLE »

Cité par le quotidien montréalais, Nicolas Marceau estime que la situation est grave. « Alors que les scandales éclataient, comme l’affaire KPMG au Canada, et que les élus ont travaillé pendant deux ans sur un rapport à ce sujet, il est ahurissant et inacceptable que la Caisse ait augmenté sa participation [dans les paradis fiscaux], dénonce le critique péquiste en matière de finances. Je souhaite que la Caisse soit exemplaire, qu’elle montre le chemin et qu’elle cesse d’investir dans ces pays. Je veux qu’elle envoie le message qu’elle est capable de tirer son épingle du jeu sans les paradis fiscaux. »

Lorsque le rapport de la commission des finances a été déposé au début du mois d’avril, son président, le député libéral Raymond Bernier, a pour sa part déclaré que « ce n’est pas pour rien que d’aucuns qualifient les paradis fiscaux de cancer de l’économie mondiale ».

Ce document, qui contient notamment 38 recommandations adoptées à l’unanimité par les parlementaires, a été salué à l’époque par l’ensemble de la classe politique. Parmi les mesures qu’il préconise, 27 d’entre elles devraient être mise en œuvre par le gouvernement du Québec avec le concours de Revenu Québec, du ministère des Finances et de la CDPQ, tandis que les 11 autres seraient à discuter avec Ottawa.

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