L’ABC de la fraude en assurance collective

Par Pierre-Luc Trudel | 19 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Qu’elle prenne la forme de falsification de formulaires, de surfacturation ou encore d’utilisation excessive, la fraude coûte cher aux régimes d’assurance collective et peut même mettre en danger leur pérennité. Heureusement, de nouveaux outils technologiques permettent de mieux la combattre.

La fraude et les abus représentent entre 2 et 10 % du total des dépenses en soins de santé dans les assurances privées, soit entre un et cinq milliards de dollars annuellement au Canada, a indiqué Daniel Tourangeau, directeur de la société de juricomptabilité LBC International lors de la conférence annuelle de TELUS Santé qui a eu lieu la semaine dernière à Montréal.

Au Québec, les principales sources de fraude sont liées à l’utilisation de services paramédicaux prodigués par des professionnels peu ou pas réglementés, comme les massothérapeutes ou les naturopathes, a-t-il ajouté.

Mais qui sont les fraudeurs? Les adhérents, les fournisseurs, ou encore les deux. Trois facteurs principaux peuvent pousser un individu à frauder un régime d’assurance : un motif, par exemple l’avidité, une occasion, par exemple une structure de régime qui facilite les abus, et un processus de rationalisation. « Les fraudeurs ont tendance à se positionner en victime. Ils se font croire que cela ne fait de mal à personne, et que de toute façon, les assureurs font déjà tellement d’argent », a expliqué M. Tourangeau.

Parmi les cas de fraude fréquents, le spécialiste mentionne les prescriptions d’opioïdes destinés à la revente, les réclamations pour soins dentaires sous un faux nom afin de contourner les montants maximums par individu prévus par le régime ainsi que la facturation de services non rendus.

« La fraude a de graves conséquences pour tout le monde. Pour les adhérents et les preneurs de régimes, elle occasionne des hausses de primes et une baisse dans la qualité des garanties. Pour les assureurs, elle affecte négativement la rentabilité et pose un risque de réputation », a expliqué M. Tourangeau.

LA TECHNOLOGIE À LA RESCOUSSE

Si les demandes de remboursement en ligne simplifient grandement la vie des adhérents en plus de réduire les coûts de traitement pour les assureurs, elles ont aussi des lacunes. « Elles comportent de nombreux avantages pour les fraudeurs aussi. Ils n’ont qu’à entrer des données, plus besoin de faux reçus », a-t-il mentionné.

Selon lui, les systèmes de remboursement doivent demeurer simples et limiter le besoin de bureaucratie, mais les assureurs ont tout de même la responsabilité de développer des programmes de prévention et de dissuasion.

Les promoteurs de régimes doivent de leur côté collaborer avec les assureurs et faire comprendre à leurs employés les répercussions de la fraude sur le coût du régime et la qualité de la couverture.

Heureusement, l’arrivée de nouvelles technologies sur le marché permet de prévenir beaucoup plus efficacement les cas de fraude et d’abus dans les régimes. Parmi ceux-ci, on compte les outils de forage de données et les algorithmes capables d’identifier automatiquement les comportements dysfonctionnels ou suspects.

L’IMPORTANCE DE LA DISSUASION

« S’il n’y a aucune conséquence à frauder l’assurance, les gens vont continuer de le faire », a insisté Daniel Tourangeau. Les éléments de dissuasion efficaces peuvent prendre la forme de mesures disciplinaires quand il s’agit d’employés et de plaintes en déontologie quand il s’agit de fournisseurs de services. Lorsque les causes sont suffisamment graves, des poursuites criminelles sont également envisageables.

Mais dans tous les cas, avant d’imposer des sanctions à un employé, il faut constituer un dossier d’enquête solide. Autrement, assureurs et employeurs s’exposent à des plaintes ou des poursuites en diffamation, a bien prévenu M. Tourangeau.

Pierre-Luc Trudel