Mémoire vivante

Par Bruno Geoffroy | 2 juillet 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Laisser une trace en images de notre passage, des souvenirs plus ou moins ridés. Derrière le Projet héritage, réalisations uniques de portraits vidéos d’ainés, se cachent Colette Savard, 56 ans, et Robert Léveillé, 60 ans. Après une longue carrière dans l’audiovisuel, ces deux jeunes entrepreneurs ont choisi de transmettre l’essentiel : la mémoire humaine.

L’idéateur du Projet héritage? Robert. Le déclencheur? La mort de son père. Et, une évidence : des bouts de la vie de son père manquent à l’appel, perdus à jamais. Sa première expérience de transmission de mémoire se fera alors avec la mère de sa conjointe Colette. Une expérience de biographie vidéo que toute la famille apprécie encore.

Tant et si bien que Robert Léveillé et Colette Savard décident de lancer leur entreprise Option Portrait Vidéo en 2013. Une compagnie qui s’articule autour de deux volets : l’un offrant ses biographies vidéos destinées aux familles, l’autre des portraits de professionnels. La jonction entre les deux? L’humain, bien sûr. « Ce qui nous intéresse, c’est la transmission. Du vécu, des souvenirs », rappelle Robert Léveillé, réalisateur télé pour Radio-Canada pendant plus de 35 ans.

« Notre approche très humaine nous permet d’établir d’avoir une conversation télévisuelle avec les personnes dans une atmosphère détendue! L’objectif est de bien saisir qui est la personne, que ce soit pour un portrait d’ainé ou de professionnel », indique l’homme. Dans le cadre des biographies, la réception des interviewés est éclairante. « “Vous nous en faites vivre des choses!” revient souvent dans leur bouche », indique Colette Savard, recherchiste pour Radio-Canada pendant presque 25 ans.

Étonnamment, « ce travail de mémoire donne un regain de vie extraordinaire aux interviewés », confie Mme Savard, toujours fascinée par la richesse des vies de ces gens qui se pensent ordinaires. Mais attention à ne pas se méprendre : les portraits vidéos des ainés ne sont en aucun cas un testament. Bien au contraire, ce document généalogique rare ouvre une fenêtre sur le vivant, sur les gens dans leur milieu, sur la mode de leur temps…

Une entreprise humaine

Les deux entrepreneurs ne voient pas Option portrait vidéo comme un changement de carrière, mais plutôt comme un projet de couple.

Leur objectif? Vivre de leur entreprise pour les cinq prochaines années au moins sans toucher à leur « vieux gagné » avant l’âge de 65 ans. De quoi sécuriser leur retraite. Sur ce point, leur planificateur financier leur a déjà conseillé, pour les rassurer, des fonds de retraite adaptés.

Jusqu’à aujourd’hui, « leur petite entreprise ne connaît pas la crise », dirait Alain Bashung. Le bouche-à-oreille fait son œuvre. « À pas de souris », confie Robert.

Le couple d’entrepreneurs se donne jusqu’à l’automne pour voir s’il est nécessaire de faire un effort marketing. Colette envisage d’ailleurs de proposer le service de biographie vidéo aux personnes malades et d’en informer la Société canadienne du cancer ou celle d’Alzheimer.

Prochains bons coups

« Idéalement, il faudrait décrocher un contrat avec une entreprise de renom pour faire les portraits de leurs cadres. Cela nous permettrait d’étoffer notre portfolio et de faciliter la promotion de notre entreprise », dit Colette Savard. « Et pourquoi pas en faire un cadeau de retraite pour les employés? », de penser tout haut Robert Léveillé.

Une idée originale qui en télescope une autre. Que penser de « la recette de ma grand-mère » en vidéo? Une transmission culinaire pour ancrer les souvenirs par une conversation olfactive, gustative et émotionnelle.

Finances, finances

« Au contraire des jeunes entrepreneurs qui se lancent en affaires, on n’a pas eu besoin de soutien financier. Nous avons acquis nos outils techniques – caméras, ordinateur, micro – au fil du temps et nos infrastructures sont modestes. Colette Savard voit d’ailleurs en son entreprise une mission humanitaire, altruiste. « Pas une priorité de devenir riche avec ça! », rappelle-t-elle.

Avant le démarrage, les deux entrepreneurs ont néanmoins été subventionnés pendant un an par Emploi-Québec avec retour sur les bancs d’école en prime pour peaufiner leur plan d’affaires et leurs techniques de vente. De quoi leur donner le temps et les outils nécessaires pour lancer leur entreprise.

Quant à la perspective de faire appel à un conseiller financier, Robert Léveillé l’envisage dans l’avenir pour bénéficier de conseils sur l’emprunt, les placements ou l’optimisation fiscale.

« C’est certain que si cela se développe fort, on engagera du monde, dit-il. Et quand nous arrêterons, pourquoi ne pas léguer la compagnie pour que cela continue après. » D’ici là, l’entrepreneur aura peut-être eu le temps de préparer sa propre biographie. Un patrimoine à transmettre à ses futurs petits-enfants.

L’entreprise

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Bruno Geoffroy