Des obligations face à la récession

Par Nicolas Ritoux | 29 mai 2023 | Dernière mise à jour le 11 octobre 2023
4 minutes de lecture

Le ralentissement économique qui s’annonce s’accompagnera d’une baisse de l’inflation, ce qui laisse croire que les hausses de taux sont terminées, indique Adam Ditkofsky, gestionnaire de portefeuille principal, revenu fixe, Gestion d’actifs CIBC. 

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Le 3 mai, la Fed a annoncé une ultime hausse de son taux directeur de vingt-cinq points de pourcentage, pour atteindre 5,25 %. La Banque du Canada a quant à elle poussé le sien à 4,5 %. Tant que l’inflation poursuit son accalmie, les banques centrales ne devraient plus changer leurs taux pour un moment, et les marchés obligataires ont d’ores et déjà pris en compte cette donnée, croit l’expert.

« Cela avait commencé avant le 3 mai, lors des problèmes de la Silicon Valley Bank, de la Signature Bank et de Crédit Suisse, qui s’apparentaient à des fissures dans le marché. Les investisseurs ont alors présumé que la Fed ne procéderait plus qu’à une dernière hausse et qu’elle resterait en pause par la suite. Les obligations sont demeurées stables depuis l’annonce de la Fed, incluant celles des sociétés qui affichent actuellement un écart de rendement d’environ 160 points de base au Canada. La suite dépendra de l’économie et de l’inflation », dit Adam Ditkofsky.

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« Les marchés à terme prennent pour acquis que la Fed et la Banque du Canada vont commencer à baisser leurs taux dans les six prochains mois. Si on se fie à l’historique de la Fed depuis le début des années 70, elle a généralement fait baisser ses taux dans les six mois suivant sa dernière hausse. Cependant, nous croyons que c’est un point de vue exagéré. N’oublions pas que la Fed doit ramener l’inflation à sa cible de 2 %. Si elle a déjà bien baissé depuis son pic de 9 % l’été dernier, on est encore très au-dessus de la cible, entre 4 et 5 % », poursuit Adam Ditkofsky.

Il s’attend à ce que les banques centrales attendent d’avoir une confiance absolue que l’inflation continue de descendre avant de procéder à la moindre baisse de taux. Celle-ci ne surviendra donc pas en 2023, à moins d’une rupture majeure sur les marchés. Dans les 12 prochains mois, il entrevoit une récession au Canada et aux États-Unis, en prenant pour preuve un léger retrait de la consommation et une détérioration des perspectives commerciales. Les problèmes des banques américaines cet hiver ont poussé beaucoup de dépositaires à se réfugier dans les marchés monétaires qui offrent de meilleurs rendements ; or cela pourrait nuire aux capacités de prêt des banques régionales, qui forment une bonne partie du système bancaire américain.

Si les chiffres de l’emploi demeurent très solides, il rappelle qu’il s’agit d’un signal à retardement, et il dit voir certaines fissures apparaître. Par exemple, on a assisté à une augmentation des demandes de chômage, ainsi qu’au nombre moyen d’heures ouvrées par semaine. « Il est compréhensible que les entreprises tentent de retenir leurs employés aussi longtemps que possible, en réduisant d’abord leurs heures avant de se résoudre à les licencier.

« De notre point de vue, les perspectives économiques des 12 prochains mois ne sont pas encourageantes. Nous croyons que l’inflation va poursuivre sa baisse, mais lentement, et qu’elle restera au-dessus des 2 % pour le reste de 2023 », dit Adam Ditkofsky.

Parmi les signes avant-coureurs, il pointe le relâchement graduel des pressions sur les chaînes d’approvisionnement, tant dans l’alimentation que le logement. La pénurie de main-d’œuvre du secteur des services s’est en outre résorbée. « Tout cela indique une normalisation de l’inflation, mais pas assez vite pour justifier une baisse de taux cette année », conclut-il.

Dans ce contexte, les obligations présentent un grand attrait, avec un niveau de rendement qu’on n’avait pas vu depuis longtemps : 3 % environ pour les titres à cinq ans du Canada, soit leur plus haut depuis la crise financière ; et plus de 4,5 % pour les obligations de sociétés de catégorie investissement.

« Il faut bien sûr se méfier du risque de crédit. Face à une récession, les écarts de rendement pourraient s’élargir, mais les prix prennent déjà en compte cette éventualité dans la catégorie investissement. L’important est de procéder à des analyses ascendantes, en étudiant chaque société en détail pour s’assurer qu’elles maintiennent un profil de crédit sain et une bonne profitabilité », recommande Adam Ditkofsky.

Parmi les secteurs qui retiennent son attention, il cite l’énergie, les pipelines, les infrastructures, et l’immobilier commercial à condition de favoriser les locataires solides, comme les épiceries et les logements pour personnes âgées.

Les obligations gouvernementales, quant à elle, ont « regagné leurs propriétés traditionnelles pour une bonne diversification des portefeuilles. On l’a vu en mars durant le sauvetage de la Silicon Valley Bank : les gens se sont précipités sur les obligations gouvernementales », observe Adam Ditkofsky.

Dans l’ensemble, l’expert se dit prudent et demeure défensif dans ses positions, mais il croit que les obligations présentent un grand attrait actuellement, tant pour leurs capacités de diversification que pour leurs rendements.

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.