Les dividendes d’actions ont encore leur rôle à jouer

Par Nicolas Ritoux | 14 novembre 2023 | Dernière mise à jour le 13 novembre 2023
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Gasfield pipeline in Alberta Canada.Pour voir mes autres images liées à l'industrie pétrolière
Wolv / iStock

Si beaucoup d’investisseurs n’ont d’yeux que pour les rendements obligataires, il y a encore des occasions à saisir dans les actions à dividendes, surtout dans l’énergie et le secteur financier, indique Craig Jerusalim, gestionnaire de portefeuille principal, actions canadiennes, Gestion d’actifs CIBC.

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« Les actions à dividendes qui étaient si prisées des Canadiens ont souffert dernièrement, principalement en raison de la hausse des rendements obligataires. Les gens se ruent dans les obligations de manière indiscriminée mais nous n’en sommes qu’au début d’un nouveau cycle économique, où les banques centrales vont demeurer agressives même si elles ne montent pas davantage leurs taux. Elles veulent éviter une réaccélération de l’inflation comme on avait connue dans les années 1970. Les taux ne redescendront pas tant que l’économie et l’emploi ne ralentiront pas. Mais on n’a pas besoin d’attendre que les rendements obligataires baissent pour voir les investisseurs revenir dans les actions de haute qualité », croit Craig Jerusalim.

Comment définit-il la qualité ? Dans un environnement de « stagflation » comme le nôtre, il conseille de prioriser les sociétés peu endettées, qui ont un bon contrôle sur leurs prix ou des avantages concurrentiels significatifs, qui ont un bon potentiel de croissance, et dont les titres s’échangent à des prix attrayants. Il pense notamment aux secteurs des déchets, de l’auto-entreposage, de l’assurance de dommages, de l’énergie, « et à toutes les entreprises qui ont été jetées comme le bébé avec l’eau du bain » lorsque les marchés d’actions ont perdu leur vigueur.

« Dans le cas des actions à dividendes, il faut aussi surveiller leur potentiel de maintien au fil du temps, et même de croissance. Il ne faut pas oublier que les dividendes dépassent les rendements offerts par l’appréciation lorsque les marchés sont stagnants », dit Craig Jerusalim.

« Nous sommes dans une nouvelle normalité où les taux d’intérêt vont demeurer élevés. Il est possible que je me trompe et que les banques centrales baissent les taux plus tôt que je ne le crois, et dans ce cas on assistera à un regain d’intérêt pour les titres à dividendes élevés des secteurs des télécommunications, de l’immobilier, et des services d’utilité publique. Mais ce n’est pas notre scénario de base. Je crois plutôt que les meilleures sociétés, celles qui ont des états financiers solides et un bon potentiel de croissance, seront les plus à même de traverser tout ralentissement économique et de profiter d’une éventuelle reprise », entrevoit Craig Jerusalim.

Il se penche sur le cas de deux secteurs : l’énergie et les services financiers.

« Les actions du secteur de l’énergie ressemblent à celles du tabac dans les dernières décennies. Tout le monde savait que les cigarettes causaient le cancer, et si leur demande déclinait dans les pays développés, elle s’accentuait dans les pays émergents, si bien qu’en comptant les dividendes, ces actions ont offert un fantastique rendement composé annuel de près de 10 % pendant 30 ans. Nous croyons que le même phénomène va se produire dans le secteur de l’énergie, notamment avec des titres comme ceux de Cenovus, CNQ, Tourmaline et Arc », analyse Craig Jerusalim.

Il donne quatre raisons pour cela : l’offre, la demande, les prix initiaux, et les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).

« On sait que les marchés occidentaux veulent éliminer les moteurs à combustion interne, et que la demande de pétrole est appelée à baisser, mais cela sera largement compensé par la croissance dans les pays émergents. Le pic de la demande est donc loin d’être atteint. Du côté de l’offre, les producteurs américains ont priorisé la profitabilité plutôt que la croissance à tout crin, et cela a rendu le contrôle des prix à l’OPEP. À long terme, le baril devrait osciller entre 70 et 90 $, ce qui est très positif pour les pétrolières canadiennes, car contrairement aux gisements de schistes américains qui nécessitent actuellement des investissements pour maintenir leur production, nos sables bitumineux ont déjà fait l’objet de fortes dépenses, et ils ont maintenant 50 ans de production devant eux avec de faibles taux de déclin. Leur coût par baril est aujourd’hui entre 20 et 30 $, ce qui rend les producteurs très profitables, et comme ils ont presque entièrement remboursé leurs dettes, tout cet argent va aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions », explique Craig Jerusalim.

« Du côté des prix, on est encore sous les multiples moyens chez beaucoup de ces producteurs, et même s’ils n’augmentent pas, la croissance des flux de liquidités va aller aux actionnaires. Quant aux critères ESG, il faut se rappeler que tout baril produit au Canada vaut mieux qu’un baril produit au Venezuela, au Nigéria, en Iran, en Irak où les normes environnementales, sociales et de gouvernance sont bien moins élevées. Chaque baril produit chez nous est un bénéfice pour le monde », affirme Craig Jerusalim.

Dans le secteur financier, il voit une divergence entre les éléments fondamentaux des banques et ceux des assureurs.

« Les compagnies d’assurances générales et de réassurance, comme Fairfax, Isura ou Intact, profitent du marché actuel, notamment en raison des taux d’intérêt élevés puisqu’elles détiennent des obligations à plus court terme. Elles ont un meilleur profil de risque que les banques, même si celles-ci s’échangent à des ratios cours-bénéfices très attrayants avec des dividendes élevés. Nous ne sommes pas dans un point du cycle économique où nous serions intéressés à surpondérer les banques canadiennes. À long terme, il n’y a rien de mal à miser sur l’oligopole banquier canadien avec des dividendes à près de 7 %. Nos banques ont surperformé 80 % du temps dans les 40 dernières années. Mais à moyen terme, elles vont encore faire face à des pertes et des ralentissements, alors il vaut mieux attendre avant d’y investir. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

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Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.