L’heure est au style valeur

Par Nicolas Ritoux | 27 juin 2023 | Dernière mise à jour le 11 octobre 2023
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La récente vigueur des marchés d’actions, notamment sous l’effet des promesses de l’IA, cache une grande incertitude qui encourage à favoriser le style valeur, plaide Peter Hardy, gestionnaire de portefeuille principal pour American Century Investments.

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« Après une chute des marchés en 2022 sous l’effet de l’inflation et des hausses de taux, ils ont connu une nouvelle vigueur au début de cette année. Les investisseurs ont adopté un point de vue moins négatif sur les taux élevés, et beaucoup ont cru que la Fed allait redevenir plus accommodante au deuxième semestre. Cela paraissait pourtant illogique puisque la Fed a annoncé qu’elle n’allait pas baisser ses taux dans un avenir rapproché, et que si elle le faisait, ce serait en réaction à des phénomènes négatifs qui auraient des effets négatifs sur les marchés d’actions », observe Peter Hardy.

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Il note que cet optimisme s’est atténué à la fin du premier trimestre avec l’effondrement des banques Silicon Valley, Bankcorp, Signature et First Republic, pour laisser place à une nouvelle envolée à la fin mai lorsque Nvidia a annoncé d’importants profits liés à ses activités dans l’intelligence artificielle (IA). L’engouement a surtout porté sur les titres technologiques, que l’on présume mieux positionnées pour profiter de la vague de l’IA. À la fin juin, le NASDAQ avait déjà pris 30 % tandis que les actions de types valeur demeuraient au neutre. Sept actions à elles toutes seules ont soutenu la performance des marchés, soient celles d’Apple, Microsoft, Nvidia, Amazon, Alphabet, Meta, et Tesla.

« Les risques qui ont conduit au déclin des marchés l’an dernier sont toujours présents. Les taux d’intérêt élevés font souffler des vents contraires sur la croissance économique, et il faut généralement attendre une douzaine de mois avant d’observer ces effets. D’ores et déjà, on a connu une crise des gilts au Royaume-Uni, l’effondrement de plusieurs banques américaines [sus-mentionnées], une croissance plus molle que prévu en Chine, et des ombres qui planent sur l’immobilier commercial américain », dit Peter Hardy.

« Dans ce contexte, mieux vaut éviter de miser sur un engouement soutenu. Nous n’en sommes qu’au début de l’IA, un peu comme lors de la bulle technologique de 1999. On sait que l’IA va être très importante dans les 20 prochaines années, mais il est difficile de dire quels seront les gagnants et les perdants et quels modèles commerciaux seront porteurs. Les gains potentiels des sociétés technologiques se reflètent déjà dans les prix de leurs actions, mais elles ne sont pas à l’abri d’un ralentissement de l’économie. L’internet prend aujourd’hui autant d’importance dans nos vies qu’on le prévoyait en 1999, mais ceux qui en ont tiré profit ne sont pas forcément ceux que l’on croyait, et bien des sociétés technologiques mises de l’avant à l’époque ont depuis disparu. On peut voir le même phénomène se produire avec l’IA », poursuit-il.

« La hausse récente des marchés d’actions donne l’occasion de retirer ses billes des titres risqués et investir plutôt dans ceux qui comportent moins de volatilité. Les marchés étroits ne sont jamais favorables aux rendements. Nous préférons sélectionner des entreprises de qualité qui ont des profits stables et de solides états financiers, car ce sont elles qui sont les mieux positionnées face au risque d’un ralentissement », affirme Peter Hardy.

Selon l’expert, les titres de style valeur performent bien quand on s’y attend le moins. Par suite de la bulle technologique par exemple, la période de 2000 à 2006 a été plus favorable au style valeur.

« Au lieu de spéculer sur les entreprises qui pourraient remporter la bataille de l’IA dans dix ans, nous retenons les entreprises qui ont un plan pour faire croître leurs marges de profits et améliorer leur valeur, peu importe à quel point du cycle économique elles se trouvent.

Il dit préférer actuellement le secteur des biens de consommation courante, ainsi que celui de la santé. Il cite le fabricant de prothèses médicales Medtronic, un nom de « très grande qualité » qui présente de forts rendements sur le capital avec très peu d’endettement. Beaucoup d’interventions médicales non urgentes ont été repoussées durant la pandémie, ce qui a grugé les profits de ce type d’entreprises, mais la demande a désormais repris. Beaucoup de gens se présentent désormais à l’hôpital pour des remplacements de genoux et hanches, produits phares de Medtronic.

« Les profits de Medtronic vont croître peu importe l’état de l’économie élargie. Le recours aux interventions médicales dépend moins de l’économie que du besoin des gens d’aller à l’hôpital. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.