Prendre sa retraite à l’étranger : ce qu’il faut savoir

Par La rédaction | 20 juillet 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
13 minutes de lecture

Environ 10% de Canadiens souhaitent prendre leur retraite hors du pays, pour y profiter d’un climat plus doux, rejoindre des proches, payer moins d’impôts, ou tout simplement vivre une nouvelle expérience. Bien que l’expatriation puisse être enrichissante sur le plan personnel, elle peut aussi mal tourner pour les candidats mal préparés.

Il faut effectivement tenir compte de plusieurs facteurs, dont les règlements sur l’immigration, la législation fiscale et l’accès aux services, notamment aux soins de santé. «Il est essentiel de faire des recherches poussées avant de partir pour vous assurer que vos plans de retraite sont réalistes», met en garde Service Canada. Avant de faire le saut, il est sage de séjourner de façon prolongée dans la région ciblée afin de se donner le temps d’évaluer le mode de vie local et d’échanger avec d’autres expatriés établis de longue date.

Pourquoi autant de précautions? Le déracinement peut s’avérer difficile, en particulier si l’on cherche à poursuivre un rêve sans tenir compte des risques et des responsabilités que cela implique. «La décision de quitter un milieu familier et de s’adapter à un autre contexte social et culturel ne doit pas être prise à la légère. Cela exige beaucoup de recherche, de connaissances et de planification. Mieux vous y serez préparé, meilleure sera votre expérience à l’étranger», rappelle le gouvernement du Canada.

Une recherche en ligne s’avère un bon début. Des sites et blogues d’expatriés comme http://www.expat.com/fr/ , www.portailquebecfloride.com/ et http://www.expatexchange.com constituent d’excellentes sources de renseignements utiles sur la vie dans certains pays, de même que le guide du gouvernement fédéral intitulé Vivre à l’étranger, qui regorge de conseils et de recommandations de toutes sortes.

1) Une décision qui doit être soigneusement planifiée

Choisir de s’établir dans un pays étranger «n’est pas une décision qu’il faut prendre à la légère, du jour au lendemain», et il est important «de faire une planification fiscale et financière au moins un an à l’avance, sinon on risque d’avoir de mauvaises surprises et de le payer cher», met en garde Mélanie Boivin. Interrogée par Les Affaires il y a quelques mois dans le cadre d’un article de fond sur la question de l’expatriation des retraités, la directrice fiscalité internationale au cabinet d’experts-comptables DemersBeaulne suggère à ses clients de dresser le bilan de leurs avoirs pour «avoir un meilleur portrait des fonds disponibles et de mieux connaître les impacts fiscaux» de leur décision.

Cet exercice aidera les «retraités migrateurs» à «mieux déterminer leurs besoins monétaires réels et les actifs qu’ils pourront utiliser en priorité, explique-t-elle. Les gens quittent et veulent tout sortir parce qu’ils préfèrent avoir leurs fonds près d’eux. Mais ce n’est pas nécessaire. Il faut adopter une stratégie de sortie de fonds qui minimise les impacts financiers, qu’on demeure résident canadien ou non», conseille la fiscaliste. Questionnée sur le fait de savoir si la décision de renoncer au statut de résident canadien est avantageuse financièrement pour un contribuable, Mélanie Boivin se montre nuancée. «Il y a des pays où la fiscalité est plus attrayante. Mais d’autres, comme le Royaume-Uni, la France ou les pays scandinaves, ont des taux d’imposition aussi élevés sinon plus qu’au Canada. Toutefois, il ne faut pas juste regarder les taux d’imposition. La retraite à l’étranger, c’est aussi un choix qualitatif», insiste-t-elle.

Selon Les Affaires, les Québécois qui mettent le cap vers l’étranger pour leurs vieux jours s’installent principalement aux États-Unis, en particulier en Floride, un État qui «a toujours attiré un grand nombre de snowbirds, qui ont aussi été motivés ces dernières années par la crise immobilière», observe MarcelRacicot, associé principal de la firme d’avocats Racicot & Associés et président de la Chambre de Commerce Québec-Floride. Et ni la faiblesse actuelle du dollar canadien ni l’incertitude entourant les politiques économiques de Donald Trump ne devraient modifier leurs habitudes, estime le spécialiste. «Pour ceux qui ont bâti un bon patrimoine et qui rêvent à ce jour depuis longtemps, le taux de change ne leur fera pas changer d’avis», assure-t-il.

2) Doit-on garder son statut de résident canadien?

Bien que l’idée de vivre ailleurs qu’au Canada puisse être attrayante, «devenir résident d’un autre pays est un processus complexe» et «avant de déménager, il est essentiel de comprendre le plein impact d’élire domicile à l’étranger», met en garde Gail Bebee, conférencière indépendante et enseignante dans le domaine des finances personnelles. Dans un long article publié au début de l’année sur le site de Morningstar, elle rappelle qu’il est primordial de se poser les questions suivantes : «Le pays auquel vous songez offrira-t-il la vie que vous envisagez?»; «À part son climat favorable, le coût de la vie y est-il raisonnable?»; «Y est-on en sécurité?»; «Est-il politiquement stable?»; «Peut-on accéder à des soins de santé de qualité?»; «Y a-t-il un hébergement convenable, des transports adéquats, un service Internet fiable?»; «Quelle sorte de culture y règne?»; «Peut-on communiquer avec les populations locales?»; «Quelles sont les conditions d’entrée dans le pays, et vous laissera-t-il vous y installer?»

«Une question importante qu’il faut clarifier avant de déménager dans un autre pays est votre statut de résident une fois que vous vivez ailleurs, souligne Gail Bebee. Si vous souhaitez être un expatrié saisonnier, comme un snowbird qui passe ses hivers en Floride, ou si vous conservez des liens avec le Canada, par exemple en y conservant un logement ou en vous y rendant régulièrement, il est probable que, du point de vue de l’impôt, vous soyez considéré comme un résident canadien. Cela veut dire que vous serez assujetti à l’impôt sur le revenu au Canada, et que vous pourrez peut-être toujours bénéficier des services de santé provinciaux, selon la durée de vos séjours à l’étranger.»

En revanche, ajoute la conférencière, un retraité qui ne prévoit pas de retourner régulièrement au Canada peut souhaiter devenir résident permanent, ou même citoyen, d’un autre pays, une décision qui est «souvent motivée par des considérations fiscales». La retenue d’impôt sur le revenu de source canadienne quand on réside à l’étranger est par défaut de 25%, mais peut aussi être plus faible, voire inexistante, si le Canada a conclu une convention fiscale avec le pays de destination. Toutefois, Laura McLeman, comptable à Citizen Abroad Tax Advisors, juge que «l’espoir d’une imposition plus basse ne devrait pas être la principale raison d’abandonner le statut de résident canadien», car «selon votre taux d’imposition effectif à la retraite et le pays que vous choisissez comme résidence, il se peut que les économies fiscales réalisées par le retraité canadien moyen ne soient pas très importantes. Dans certaines circonstances, vous pourriez en fait payer plus d’impôts».

D’après Gail Bebee, les facteurs les plus importants dont il faut tenir compte sont le coût à payer pour abandonner la résidence canadienne et le coût général de la vie ainsi que la sécurité financière et la qualité de vie dans le pays d’accueil. «Il faut d’abord vous assurer que le statut de résident vous sera accordé dans le pays choisi . Ensuite, il y a les obligations qu’impose le pays sur ses résidents. Combien paierez-vous d’impôts? Y a-t-il des restrictions sur les flux de devises?» Sa conclusion? «L’imposition des Canadiens qui ont déménagé à l’étranger ou sont sur le point de le faire est complexe. Quiconque compte abandonner sa citoyenneté canadienne ferait bien de solliciter les conseils d’un comptable spécialisé dans la planification fiscale sur l’émigration dans un autre pays et les problèmes qui se posent aux expatriés une fois qu’ils ont émigré.»

3) Fiscalité, pensions, santé : comment s’y retrouver?

Dans un document mis à jour en mai, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada rappelle que «le temps que vous passez à l’extérieur du Canada peut avoir une incidence sur la façon dont vous produisez votre déclaration d’impôt» et «change également le montant de l’impôt que vous payez» ainsi que «la façon dont vous recevez vos prestations de la Sécurité de vieillesse et du Régime de pensions du Canada».

De son côté, Ottawa a créé un portail afin d’expliquer aux candidats au départ tout ce qu’ils doivent savoir pour se préparer à aller vivre à l’étranger, en proposant notamment le très utile guide pratique Vivre à l’étranger. «Peu importe vos raisons pour vouloir prendre votre retraite à l’extérieur du Canada, la règle fondamentale consiste à se préparer avec soin. Les lois fiscales, les soins médicaux et la sécurité peuvent rapidement devenir des soucis majeurs une fois que vous serez établi dans un autre pays ou lors de votre retour au Canada après un séjour prolongé», annonce d’emblée le gouvernement fédéral. Entre autres renseignements, ce site de référence appelle les futurs expatriés à la prudence, notant qu’«il ne manque pas d’arnaqueurs internationaux qui font miroiter aux retraités des promesses d’idylles, d’amitié et de gains financiers dans des contrées lointaines».

Avant de décider de partir, insiste le gouvernement, il importe d’effectuer une évaluation des risques que cela comporte. Ainsi, sans parler du contexte politique, économique et sanitaire, «le rythme de vie peut être très différent de celui auquel vous êtes habitué, ce qui influera sur vos habitudes et sur votre bien-être», tandis que «les logements sécuritaires et confortables peuvent être rares ou excessivement coûteux». Le site s’intéresse particulièrement au «choc culturel» que représente une expatriation à un âge avancé: «De nombreux Canadiens qui vivent à l’étranger pour la première fois sont surpris de l’isolement culturel auquel ils font face, ce qui rend l’adaptation encore plus difficile. Avant de quitter le Canada, efforcez-vous de comprendre le contexte social dans lequel vous serez plongé. Êtes-vous à l’aise face aux différences culturelles marquées? Êtes-vous prêt à faire partie d’une minorité et à être traité comme un étranger? Vous faites-vous facilement de nouveaux amis? Êtes-vous ouvert à différentes manières de faire les choses? Êtes-vous capable de soutenir un rythme de vie beaucoup plus lent – ou beaucoup plus rapide?»

En ce qui concerne la fiscalité, le site gouvernemental rappelle que les non-résidents canadiens «peuvent être assujettis à une double imposition dans leur pays de destination» et les appelle donc à bien examiner leur situation avec l’Agence du revenu du Canada (ARC) afin de s’assurer par exemple qu’ils ne risquent pas d’être imposés deux fois sur le même revenu et éviter ainsi toute (mauvaise) surprise. En effet, explique par exemple Ottawa, le fait pour un retraité de devenir résident d’un nouveau pays ne fait pas automatiquement de lui un non-résident du Canada, particulièrement s’il y a conservé un bien immobilier, des comptes bancaires ou des cartes de crédit. À noter que l’ARC détermine la non-résidence selon plusieurs critères, comme le fait de ne pas conserver de logement ou de biens matériels au Canada, ou encore de ne pas y avoir de conjoint ou de conjointe, ni de personnes à charge.

4) Les retraites aux États-Unis, ce n’est pas le Pérou!

Le système de retraite par répartition, où les pensions sont financées par les cotisations des personnes actives, est dénigré par plusieurs experts et dirigeants politiques de la droite et du centre sur le Vieux Continent. Or, Le Monde met en garde contre la tentation de faire évoluer ce régime «vers une privatisation partielle ou totale en recourant à des fonds de pension». Dans un article publié en juin, le quotidien français estime en effet que «l’exemple des collectivités locales américaines nous invite à y réfléchir à deux fois», signalant notamment qu’une récente étude (en anglais) de la Hoover Institution, à l’Université Stanford (Californie), remet en cause la viabilité du financement des retraites des salariés dans de nombreuses grandes villes et États.

Son auteur, Joshua Rauh, a ainsi passé au crible un échantillon de 649 collectivités dans lesquelles les pensions ne dépendent pas seulement des cotisations des travailleurs actifs. «Placées sur les marchés financiers, les sommes récoltées sont censées générer des rendements suffisants pour assurer les vieux jours des salariés. Le problème est qu’il est désormais certain que le pari sera impossible à tenir», souligne Le Monde, qui ajoute que le chercheur américain n’hésite pas à parler de «bombe à retardement». La raison de cet échec annoncé tient à la fois à la nature du régime de retraite par capitalisation, qui dépend totalement des aléas boursiers, et au fait qu’«il a été échafaudé sur des projections pour le moins fantaisistes», explique le journal. Il précise aussi que «les collectivités locales ont en effet calculé leur plan de financement des retraites en tablant sur des taux de rendement de 7% à 8%, soit plus du double de la réalité». Résultat, «en dépit du fait que les marchés financiers ont eu de bonnes performances entre 2009 et 2014, le système […] est déficitaire de 3 400 milliards de dollars.» «Avec les faibles rendements qu’on a connus en 2015 et sur la première partie de 2016, ce chiffre a probablement augmenté », soutient Joshua Rauh.

Si la situation est préoccupante un peu partout aux États-Unis, elle est particulièrement critique dans l’Illinois, puisque cet État du Midwest «ne dispose que de 29% des financements dont il aurait besoin pour honorer son système de retraite». Tandis qu’à Chicago, ce taux chute même à moins de 20%, «des dizaines de villes comme Dallas, Philadelphie, La Nouvelle‑Orléans ou des États comme l’Arizona, l’Ohio, le Nevada ou le Kentucky sont dans l’impasse», écrit Le Monde. Citant le rapport de la Hoover Institution, le quotidien explique que l’origine du phénomène tient «au vieillissement de la population» et au fait que, «comme une bonne partie de l’économie, les collectivités locales ont cédé à la tentation d’une financiarisation débridée de leur gestion» et que, «à partir des années 1990, à court de recettes, elles se sont lancées dans des investissements de plus en plus spéculatifs, promettant de juteux rendements».

Pour régler ce problème d’insolvabilité, il n’y a que trois solutions, ajoute Le Monde. «La première consiste à augmenter les impôts. Mais en Californie, dans le New Jersey ou l’Illinois, la pression fiscale est telle que cela paraît peu envisageable. Autre alternative : relever les cotisations des employés. Toutefois, dans un contexte de quasi-stagnation des salaires, la mesure ne serait pas très populaire. Tout comme celle qui viserait à réduire drastiquement le montant des pensions, une option qui menacerait les retraités de paupérisation accélérée.» Sa conclusion? «Le compte à rebours de la bombe à retardement est enclenché, sans que l’on connaisse avec exactitude le moment de l’explosion.»

La rédaction