La prospection en pratique (2e partie)

Par Bernard Viau | 6 juillet 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
6 minutes de lecture
Jeune entrepreneur fortuné et billets de banque virevoltant autour.
Photo : alphaspirit / 123RF

Vous avez établi une liste de prospects fortunés. Mais ne les approche pas qui veut! Comment procéder pour faire valoir vos services de façon adéquate? Un conseiller confie sa recette.

Parmi plus de 300 clients potentiels, nous avons isolé une douzaine d’individus lors de la première étape, détaillée ici. Il faut maintenant mener une enquête plus approfondie avant une rencontre physique. J’ai donc retrouvé toutes les informations publiques disponibles concernant ces prospects. Prévoyez une vingtaine d’heures pour cette recherche.

Voici comment procéder.

Une bonne façon d’entrer en contact avec les mieux nantis est de se spécialiser dans le financement des œuvres caritatives. De manière simultanée avec le choix des prospects, il faut trouver l’organisme à leur présenter. Le plus important est d’évaluer ses répercussions sociales concrètes et sa rentabilité financière. N’oubliez pas que les clients fortunés sont souvent des entrepreneurs; attendez-vous à ce qu’ils vous posent des questions sur ces points précis avant de s’engager.

Les détails sur lesquels il faut s’attarder sont nombreux. Sur les épaules de qui repose l’organisme? Depuis combien de temps est-il en activité? Peut-il compter sur une équipe solide ainsi qu’une relève dans l’éventualité où le fondateur venait à décéder? Quel est le budget annuel? D’où proviennent les fonds des années passées? Quelles sont les dépenses importantes? L’organisme est-il reconnu par l’Agence du revenu du Canada pour des reçus d’impôt et, surtout, quels résultats concrets l’organisme peut-il montrer à d’éventuels donateurs pour justifier son besoin de financement?

J’avais initialement choisi trois organismes régionaux ayant un lien avec l’itinérance. J’en ai éliminé deux en raison d’une faible organisation administrative et d’une incertitude quant à la relève éventuelle. Pour me guider dans mon choix, j’ai consulté le parcours personnel et professionnel des principaux dirigeants du conseil d’administration sur LinkedIn ainsi que les rapports annuels publics.

L’organisme que j’ai choisi de présenter à mes prospects est bien organisé, appuyé par de nombreux bénévoles motivés et dirigé par des administrateurs d’expérience. Le financement est cependant leur principal problème, malgré des résultats concrets et très appréciables.

FAIRE LA SÉLECTION

Il faut véritablement mener une enquête approfondie sur les prospects pour réussir. J’ai visité tous leurs comptes de réseaux sociaux disponibles, les sites web de leurs entreprises et les chartes d’enregistrement de ces dernières au Registraire des entreprises du Québec. J’ai cherché des entrevues et des articles de médias les concernant. Plus vous trouverez d’informations avant la rencontre initiale, plus vous mettrez de chances de votre côté.

Les entrevues sur le web sont une source de renseignements très précieuse, car elles vous permettent d’évaluer le langage non verbal. Si vous croyez que cette enquête va trop loin et qu’elle entre indûment dans la vie privée des gens, sachez que l’objectif demeure d’être efficace et de constituer un dossier client complet, qui reste confidentiel.

Pour analyser toutes les informations trouvées, le logiciel à utiliser est un programme de cartographie mentale. Celui-ci organise les renseignements visuellement en plusieurs branches à partir d’un tronc commun. Chaque prospect possède ainsi une branche principale avec des dizaines de sous-branches.

Voici une partie des informations concernant mon premier prospect1.

Vous pouvez télécharger ici un modèle standard de carte mentale pour organiser votre prospection personnelle. Il contient exactement la même structure de branches que mon fichier, mais sans les données réelles concernant mes prospects. Pour lire un fichier de type .mm, il faut un logiciel de cartographie comme vous en trouverez dans la liste ci-dessous2.

MON PREMIER PROSPECT

Il s’agit d’un entrepreneur très dynamique approchant la soixantaine et qui a commencé à bâtir sa fortune à un âge où l’on fait plutôt la fête. Le nombre de ses employés est peu élevé, mais trompeur, car il a recours à la sous-traitance. J’ai identifié une éventuelle relève à son entreprise, un dauphin.

Ma recherche sur ce prospect a nécessité environ une trentaine d’heures de travail, mais le résultat est là : je sais maintenant quel moment serait idéal pour l’approcher, de quelle façon m’y prendre, de quel sujet discuter et quel type de projet serait susceptible de l’intéresser. Je me suis aussi programmé des alertes Google qui m’informeront par courriel de toutes les nouvelles le concernant.

On a rarement une seconde chance d’impressionner favorablement un client fortuné. Ma stratégie tient compte de ce fait et j’ai toujours un plan B : approcher le dauphin. Je connais les événements sociaux auxquels ce dernier a participé dans les dernières années, ce qui pourrait m’aider à faire les premiers pas.

DEUX AUTRES PROSPECTS

J’ai divisé ma liste initiale en quatre groupes en fonction de l’actif financier disponible pour investissement, de 500 000 $ à plus de 1 M$. Mon deuxième prospect se situe au bas de l’échelle. Il s’agit d’un homme entre 25 et 30 ans qui a bâti son entreprise de technologie alors qu’il sortait de l’adolescence. Il vient récemment de la vendre pour une somme supérieure à 1,5 million de dollars.

Il exploitait un site web spécialisé dans la vente de pièces de rechange de véhicules récréatifs haut de gamme. Dans certains articles que j’ai consultés, il se disait possiblement ouvert à la philanthropie si la cause rejoignait ses intérêts.

Bien que très différent de mon premier prospect, il présente un profil d’entrepreneur similaire à celui-ci, de 30 ans son aîné. Je me sens à l’aise de contacter le premier, moins le second, car j’ai trouvé une quantité inférieure d’informations le concernant. Mais en faisant un peu plus de recherches sur le web, notamment grâce aux alertes Google, j’arriverai peut-être à mettre en place une stratégie qui pourra l’intéresser. Si je ne trouve rien, il se peut que je passe à un autre prospect.

Mon troisième prospect est membre du conseil d’administration de l’organisme. J’ai choisi ce dernier contact après avoir épluché les deux derniers rapports annuels et confirmé mon choix au moyen de la page LinkedIn des candidats potentiels3. J’y ai trouvé des informations sur ses projets d’avenir qui m’ont incité à me tourner vers lui.

Ce troisième prospect me semble être l’âme de l’organisme. Ma stratégie d’approche sera directe : solliciter officiellement une entrevue pour discuter de la mission de l’organisme ainsi que de ses objectifs. Il me demandera sans doute d’expliquer la raison qui me motive à m’engager. Vous devez avoir une réponse sincère à fournir à cette question directe.

J’ai maintenant trois personnes à approcher pour les prochaines semaines. Voici à quoi ressemble ma carte mentale. La partie droite regroupe mes prospects et la partie gauche, mes listes et sources d’information. J’ai ajouté des couleurs pour mettre en évidence les prochaines étapes. Mon premier prospect occupe la plus grosse bulle, son dauphin, la petite bulle en dessous. Les deux autres bulles représentent mes deux autres clients potentiels.

Lorsqu’on décide d’approcher les clients fortunés, il est parfaitement normal de douter du résultat et de se demander si on sera à la hauteur. Réussir à gagner la confiance d’un inconnu est, à mon avis, la chose la plus valorisante du travail d’un conseiller en services financiers.

Se monter une liste de prospects fortunés n’est pas une tâche qui convient à un professionnel en début de carrière, car cela ne donne pas de résultats immédiats. Lorsqu’on commence et qu’on est rémunéré entièrement à commission, il faut se concentrer sur les clients fournis par le cabinet qui nous encadre.

Cependant, à partir de sa troisième année, un conseiller devrait y songer. Si on applique le principe de Pareto à sa prospection, une semaine de travail de 50 heures devrait comporter 10 heures de prospection et 40 heures au service des clients actuels.

Quelle est la taille de votre liste de prospects? Ils sont votre avenir comme conseiller. Mieux vaut ne pas les négliger.

Bernard Viau est conseiller à la retraite.


1 Les symboles indiquent des branches secondaires qu’on peut ouvrir à volonté. 2 J’utilise FreePlane, mais il y a aussi FreeMind, Edraw, MindMeister. Tous utilisent l’extension .mm. 3 LinkedIn est le réseau social préféré des gens fortunés. Quel message votre compte véhicule-t-il auprès de ceux qui vont le consulter?

Bernard Viau