Aucun accès aux comptes + Un réseau trié sur le volet

Par Didier Bert | 10 juin 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
4 minutes de lecture

<< Page précédente

Fait no 5 : aucun accès aux comptes

« Il n’y a eu aucune assemblée d’actionnaires depuis au moins deux ans », se plaint l’un des principaux actionnaires. « J’ai demandé des états financiers… sans réponse. »

« Je ne sais jamais si Éric Weynant me raconte n’importe quoi ou si c’est vrai, signale un ancien administrateur. C’est pour cela que j’ai démissionné. Je ne pouvais pas vérifier. Je voulais voir les capacités de production, et on me disait que ce n’était pas possible. »

Analyse de l’expert en criminalité financière :

« Ça reste très inquiétant et suspect parce qu’ils ne disent pas toute la vérité aux gens, insiste M. Abda. Par exemple, ils ne communiquent pas les rapports de recherche.On fait des assemblées d’actionnaires au début pour rassurer les gens. Mais on ne veut pas qu’ils sachent qu’ils sont nombreux. Ils doivent continuer de penser qu’ils sont privilégiés d’avoir accès à ces actions.

Passer 14 ans sans arriver à un produit concret, c’est très suspect. Même dans la fabrication de médicaments, il y a des assemblées d’actionnaires : on y présente les étapes importantes, ce qui fonctionne ou non. Si on ne peut pas faire cette vérification chaque année, les actionnaires ne peuvent pas voir où en est leur prise de risque.

Oui, il y a des jeunes pousses qui mettent 20 ans à se lancer. Mais elles publient des rapports d’étape. Cela permet de tirer la plug si on voit que cela ne fonctionne pas. C’est ainsi que marche le capital de risque.

Mais si on sait que le produit n’ira nulle part, cela s’appelle de fausses représentations. »


Source : Fond Quebecor

Franklin DelaneySource : Fond Quebecor

Fait no 6 : un réseau trié sur le volet

Parmi les investisseurs que Conseiller.ca a identifiés, plusieurs sont très éduqués : médecins, hommes d’affaires, et même des détectives. Un investisseur nous précise qu’une personne en particulier lui offre une sorte de caution morale : celle de Franklin Delaney, membre du conseil d’administration de PhasOptx mais aussi président du CA du Fonds Quebecor, ancien conseiller du président de Radio-Canada Pierre Juneau, ancien président de TQS, Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la France. Sur le site du Fonds Quebecor, le CV de M. Delaney indique même son titre de président de PhasOptx. « Ce n’est pas n’importe qui, affirme l’investisseur. Je l’estime honnête jusqu’à preuve du contraire. »

Un autre investisseur éminent est Georges Vacher, conseiller au président chez PhasOptx, mais aussi l’un des cofondateurs d’Air Transat, et qui a été durant cinq ans sous-ministre adjoint au ministère du Tourisme du Québec.

« En 2007, j’ai acheté plusieurs centaines de milliers de dollars en actions, relate M. Vacher. Quand j’ai quitté mon poste de sous-ministre (en avril 2013, NDLR), j’ai décidé de donner un coup de main à l’inventeur. Dans six mois, on commencera à avoir des contrats. »

Comment croire que tous ces gens brillants aient investi tant d’argent pour un produit qui ne verrait jamais le jour? « Éric Weynant est un type qui s’exprime de façon impeccable, il est très prolixe, il a la parole facile, il parle avec beaucoup de passion, relève Pierre Rochon, l’ancien partenaire d’affaires déçu d’Éric Weynant. Il pourrait vendre un frigidaire aux Inuits. »

Analyse de l’expert en criminalité financière :

« En matière de stratagème frauduleux, ce n’est pas le niveau intellectuel qui compte. C’est l’appât du gain. Si la personne est très convaincante dans sa présentation, elle est capable de vendre n’importe quoi… On arrive à faire croire à quelqu’un qu’il peut bénéficier d’une occasion rêvée, et le tour est joué. C’est la force d’un tel vendeur de rêves. Il recrute dans des cercles où le niveau de vigilance est bas car il y est connu », explique Messaoud Abda.

Page suivante >>

Investir dans un mirage en dix étapes concrètes! Un concept non commercialisable (mais qui fait rêver) + Des brevets introuvables Une mise en production toujours reportée + Une entreprise injoignable Aucun accès aux comptes + Un réseau trié sur le volet L’utilisation d’un stratagème pyramidal + Des activités illégales de courtage Des investisseurs hyper convaincus + Des sociétés-écrans en cascade Un passé qui interpelle Le déroulement d’une vente d’actions de PhasOptx

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.