L’investissement socialement responsable
Offrir des options non traditionnelles à vos clients

Par Mark Yamada | 2 Décembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le restaurant Au Pied de Cochon, du chef Martin Picard, est mon préféré à Montréal. Sa maîtrise des viandes en a fait une légende et j’avais très hâte de me rendre à sa cabane à sucre située au nord de Montréal. C’était le paradis des carnivores : quatre choix de viande en entrée et trois choix de viande en plat principal. C’est vrai qu’il y avait aussi un plat végétarien.

Si je vous en parle, c’est parce qu’on peut comparer les professionnels en placement à des carnivores : les titres en hausse, quels qu’ils soient, sont leurs proies! Mais attention : certains investisseurs remettent en question les valeurs d’entreprise traditionnelles et cherchent plutôt à réaliser des objectifs sociaux et environnementaux. Les conseillers d’aujourd’hui doivent développer les bonnes stratégies pour répondre à leurs besoins.

Avant, pour investir de façon socialement responsable, il suffisait d’éviter les titres associés au tabac, à l’alcool, au jeu, au trafic d’armes ou à l’apartheid. Aujourd’hui, il faut aussi prendre en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Certains investisseurs excluent tout simplement les sociétés fautives de leur portefeuille, mais d’autres préfèrent établir des critères plus larges. Les conseillers en placement doivent savoir comment tenir compte de ces opinions.

La meilleure façon de bâtir un portefeuille qui respecte les critères sociaux du client et ses besoins en investissement est de commencer à partir de titres particuliers. Une solution de placement diversifiée exige un investissement plus grand en capital, il faut donc faire preuve d’un peu d’imagination. Envisagez d’acheter un FNB très diversifié, par exemple, puis vendez un à un, ou collectivement, les titres des sociétés fautives. L’effet positif de cette stratégie pourrait être de réduire le risque sans pour autant diminuer les rendements.

Aujourd’hui, il existe des FNB qui répondent à la demande grandissante d’investissements responsables : il existe un FNB canadien et cinq FNB américains qui respectent l’ensemble des facteurs ESG et plusieurs autres tiennent compte de préoccupations écologiques (voir l’encadré Les FNB socialement responsables). Le FNB Global Echo de AdvisorShares fait bande à part, puisqu’on y retrouve les titres de sociétés axées sur la durabilité en matière d’énergie, de technologie et d’environnement et qu’il prévoit une remise de 0,4 % par année à la Global Echo Foundation, cofondée par Philippe Cousteau Jr.

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Le fonds indiciel iShares Jantzi Social (XEN) exclut le nucléaire, le tabac et les fabricants d’armes et reproduit 60 titres qui tiennent compte des facteurs ESG. Depuis le 31 mars 2013, le XEN a mieux fait que le fonds indiciel iShares S&P/TSX 60 (XIU) pour toutes les périodes de risque similaire (voir l’encadré ci-dessus). Il s’agit d’un fonds indiciel général qui ne satisfera peut-être pas tout le monde. Vous devrez donc faire preuve de créativité.

Le XEN calque des titres tels ceux de Suncor, Imperial Oil, Cenovus Energy et Canadian Oil Sands. – des sociétés du secteur des sables bitumineux – ce qui apparaît contradictoire si l’on considère la controverse entourant le projet de pipeline Keystone XL. Certains opposants s’inquiètent des risques de déversement de pétrole et du développement de l’exploitation des sables bitumineux. C’est en partie parce qu’on estime que les émissions de gaz à effet de serre qui proviennent de l’extraction et de la valorisation d’un baril de sables bitumineux sont de 3,2 à 4,5 fois plus importantes que celles qui proviennent d’un baril de pétrole brut conventionnel produit au Canada ou aux États-Unis, selon l’Institut Pembina.

Pour éviter les titres de ces sociétés, il est possible d’investir dans le fonds XEN et de vendre les titres du fonds indiciel iShares Oil Sands (CLO) proportionnellement à l’exposition approximative aux actifs du secteur de l’énergie (20 %). Ainsi, vous respectez les critères généraux ESG sans exposer votre client aux actifs du secteur des sables bitumineux. Le rendement de cette stratégie figure dans le tableau Tactiques à employer, ci-dessus.

Une autre stratégie personnalisée consiste à vendre les titres d’une société indésirable tout en détenant une position d’acheteur dans un FNB socialement responsable qui comprend ce titre. Certains clients pourraient être contre les titres miniers ou s’opposer à ce qu’une société exerce ses activités dans une zone de guerre.

On peut donner comme exemple plusieurs sociétés cotées en Bourse œuvrant au Soudan, une région qui fait l’objet de sanctions pour violation des droits de la personne de la part des États-Unis. Parmi ces sociétés figure la Petrochina Company, le plus important producteur de pétrole en Chine. Or la China National Petroleum Corporation, la société mère de PTR, aide les Soudanais à explorer et développer leurs réserves énergétiques.

Il faut du zèle et de la recherche pour éliminer toute exposition aux sociétés exerçant leurs activités dans un secteur fautif. Mais c’est le rôle des gestionnaires de portefeuille de trouver la meilleure solution pour chaque client. Comme quoi c’est une bonne idée de mettre un ou deux plats végétariens au menu!


Mark Yamada est le président et chef de la direction de PUR Investing Inc., un cabinet de gestion de portefeuille et de développement de logiciel qui se spécialise en stratégies innovantes à l’intention des promoteurs de régimes de retraite, des investisseurs et de leurs conseillers. PUR est un gestionnaire de portefeuille inscrit. www.purinvesting.com


Ce texte est paru dans le magazine Advisor’s Edge Report.

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Mark Yamada